[size=81]La fin des deux peuples fondateurs ?[/size]
Plus le poids démographique des francophones va diminuer au sein du Canada, plus il deviendra difficile de défendre le concept des « deux peuples fondateurs ».
On en a encore eu la preuve vendredi dernier dans le Toronto Sun.
UN « SYSTÈME COLONIAL »
Dans ses pages Opinions, le quotidien torontois a publié une lettre ouverte d’Arjun Singh, un diplômé en sciences politiques de l’Université de Toronto, affirmant que le temps est venu pour le Canada de « changer de narratif national » et d’abandonner le concept dépassé des « deux peuples fondateurs
Pourquoi ?
Parce que ce concept emprisonne le Canada dans une logique colonialiste et marginalise les nouveaux arrivants qui n’ont ni l’anglais ni le français comme langue maternelle.
« Cette théorie des deux peuples fondateurs exclut les minorités ethniques, écrit Singh. Elle oblige les Canadiens qui ne sont ni anglophones ni francophones à tolérer la présence d’un plafond de verre au-dessus de leur tête. »
« Étant donné que la plupart des minorités manquent cruellement de ressources pour apprendre “l’autre langue officielle”, elles sont de facto exclues des secteurs public et privé. »
« Ce système inégal fait en sorte que les cabinets, les conseils d’administration et les tribunaux sont en grande majorité blancs, même si nous sommes au XXIe siècle et que de profonds changements démographiques ont transformé le pays. »
« Si quelqu’un accède à un poste de direction sans être bilingue – comme c’est arrivé au PDG d’Air Canada –, cette personne sera agressée jusqu’à ce qu’elle promette d’apprendre “l’autre langue officielle”. »
« Au nom du concept des deux peuples fondateurs, une classe entière de Canadiens sont traités comme des sujets coloniaux et privés de l’égalité des chances... »
PROVINCE INTOLÉRANTE
Pour Arjun Singh, non seulement faut-il mettre fin au concept des « deux peuples fondateurs » – un mythe qui, selon lui, est déconnecté de la nouvelle réalité du Canada et oblige les Canadiens à se montrer tolérants avec une province qui a adopté une loi aussi répressive que la loi 21 –, mais il faut que le Canada « embrasse une idée pluraliste où les gens seront traités comme des individus et non des membres d’une communauté linguistique ».
Sinon, dit-il, le Canada sera condamné à demeurer un « État néo-colonialiste ».
Je souligne que ce texte n’a pas été publié sur un site obscur, mais dans les pages du Toronto Sun, dans le cadre d’un concours (« Speak for ourselves ») mis sur pied par l’Institut Macdonald-Laurier.
Plus le Canada va accueillir d’immigrants, plus il sera difficile de faire comprendre aux Canadiens que le français est plus important que le mandarin ou le hindi, et plus il y aura de la pression pour changer « le narratif national ».
Pas besoin d’avoir un don de clairvoyance pour prédire ce qui risque fort d’arriver : à terme (et plus tôt que tard, si vous voulez mon avis), les francophones ne seront plus considérés comme faisant partie d’un des deux peuples fondateurs, mais comme les représentants d’une des nombreuses communautés culturelles composant le nouveau Canada.
Le choix est clair : ou nous nous séparons et assurons notre avenir en tant que peuple, ou nous nous fondons dans le grand tout canadien.
Il n’y a pas de troisième voie.