Concurrence oblige, Jeep n’a pu s’empêcher de damer le pion à Ford et son Bronco Raptor en installant un premier V8 en près de quarante ans sous le capot de son cher Wrangler. Et ces mordus n’ont pas fait dans la demi-mesure en choisissant le moteur le plus puissant jamais offert dans ce véhicule unique, fier descendant d’une longue lignée de CJ (pour Civilian Jeep) et arrière-petit-fils du légendaire Jeep militaire.
Le Jeep Wrangler Rubicon 392 a hérité d’une version du V8 de 6,4 litres qui anime le Dodge Durango SRT et des versions Scat Pack 392 des Challenger et Charger. Soigneusement adapté à sa mission, cet autre moteur Hemi produit 470 chevaux à 6 000 tr/min et 470 lb-pi de couple à 4 300 tr/min. C’est nettement plus que le V6 biturbo du Bronco Raptor qui extrait 418 chevaux et 440 lb-pi de couple de ses 3,0 litres. Surtout que le Raptor pèse 288 kg de plus que les 2 312 kg du Jeep.
Le nom du Jeep Wrangler Rubicon 392 devrait inclure le mot Unlimited, puisqu’il est produit uniquement en version allongée, à quatre portières. N’en déplaise aux inconditionnels du Wrangler qui auraient aimé ce V8 pour escalader les rochers plus facilement, avec un empattement plus court et deux portières en moins.
Gros cœur et jambes solides Au volant du Rubicon 392, le plaisir commence en appuyant sur le bouton pour lancer le gros V8. L’effet de son rugissement sec est viscéral. On adore ou on déteste, selon que l’on se trouve à bord ou aux abords de ce 4x4 costaud et anguleux. Si l’on aime, on appuie sur l’autre bouton qui active l’échappement de performance dont les quatre embouts diffusent leur musique, sous le pare-chocs arrière. Les clapets s’ouvrent aussi en pleine accélération.
Parlant de quoi, le Wrangler Unlimited Rubicon 392 a sprinté de 0 à 100 km/h en 5,17 secondes, complété le quart de mille en 13,58 secondes à 162,2 km/h et bondi de 80 à 120 km/h en 3,80 secondes. Sa boîte automatique à 8 rapports possède même un mode Torque Reserve qui maximise le couple en départ arrêté via le mode AMax du Trackhawk, qui optimise le passage des rapports.
Outre le mode automatique pour la route, le rouage à quatre roues motrices offre le mode 4 High et le mode 4 Low, fortement démultiplié, pour rouler loin de l’asphalte. On peut aussi verrouiller les deux différentiels ou seulement l’arrière et découpler la barre antiroulis pour une meilleure articulation de l’essieu rigide avant.
Le reste a été adapté aux exigences de cette mécanique plus musclée et de sa mission. Le capot surélevé de 40 mm provient de la camionnette Gladiator. On y a installé des conduits en plastique qui peuvent évacuer jusqu’à 57 litres d’eau à la minute, si une vague s’engouffre dans la prise d’air en traversant à gué. Les longerons du châssis sont également plus robustes, tout comme les bras de suspension et les pivots de fusée à l’avant. Et si le Rubicon 392 a requis 48,3 mètres pour stopper de 100 km/h, malgré ses freins plus grands, c’est que le mordant de ses pneus conçus pour les sentiers est faible sur l’asphalte.
L’option ExtremeRecon de 4 995 $ remplace les amortisseurs Fox par des amortisseurs monotube pressurisés, ajoute aux ailes des moulures pour couvrir des pneus plus larges et des charnières plus robustes pour le battant arrière qui soutient une roue de rechange forcément plus lourde. Les immenses roues d’alliage sont constellées de vingt-cinq vis qui jouent le rôle de verrous de talon (bead locks) pour empêcher les pneus de glisser sur la jante en tout-terrain avec de faibles pressions de gonflage.
Plus rouge que vertLe Rubicon 392 se trouve évidemment aux antipodes du Wrangler 4xe à groupe propulseur hybride rechargeable en termes « d’éco-acceptabilité ». Surtout que « 4xe c’est le nouveau 4x4 » comme l’a affirmé Christian Meunier, grand patron de la marque Jeep, en dévoilant tout récemment les premiers d’une série de Jeep à propulsion électrique.
Mais puisque les jours des gros moteurs thermiques sont comptés, il faut en profiter ou en rêver, à tout le moins, dès maintenant. Parce qu’avec un prix de base de 101 445 $, le Rubicon 392 n’est pas pour toutes les bourses. Avec le groupe ExtremeRecon de 4 995 $ et le toit rétractable Sky One-Touch de 4 295 $, la facture de notre 392 grimpe à 116 495 $, frais « d’expédition » de 2 095 $ inclus. Comble de malchance, il est visé par les nouvelles taxes qui s’appliquent aux véhicules de luxe de plus de 100 000 $.
Côté pratique, il faut littéralement grimper dans l’habitacle, parce que la marche est à 66 cm du sol. En plus d’une abondance de surpiqûres dorées sur le cuir, on remarque la silhouette carrée du premier Jeep sur le pommeau du levier de transmission, le pare-brise et l’image du régulateur de vitesse activé. Les places avant sont accueillantes mais, en plein été, le siège du pilote devient très chaud à cause de l’échappement qui passe juste dessous. L’inconfort est réel et ce perchoir n’est pas climatisé, hélas.
Vocations évidentesÀ bord du Rubicon 392, on est clairement aux commandes d’une machine, pas d’une tablette électronique. L’écran tactile de 8,4 pouces est là pour compléter l’orgie de boutons, touches et molettes qui l’entourent. L’interface Uconnect, claire et pratique, comporte des pages réservées à la conduite tout-terrain qui sont truffées d’infos. On y découvre les angles de roulis et de tangage, la position GPS, l’altitude, le mode du rouage et les réglages de suspension. La page Trailcam permet même de voir le sol sur lequel on s’apprête à rouler grâce à la caméra optionnelle (595 $) intégrée sous la partie avant.
Sur la route, la direction du Rubicon 392 est toujours floue au centre. Ses réactions et transitions ne sont pas linéaires non plus. Les énormes pneus de 35 pouces du groupe optionnel ExtremeRecon, avec leur bande de roulement truffée de rainures profondes, n’aident pas. Surtout qu’ils s’accompagnent d’une suspension qui soulève le 392 d’un pouce (2,5 cm) qui s’ajoute aux 2 pouces (5,1 cm) de la version ordinaire.
Malgré ce parti pris du plus puissant des Wrangler pour la conduite hors route et ses égarements en tenue de cap, son comportement n’a rien d’inquiétant. Une fois habitué à sa conduite fantaisiste, mettons. De toute manière, l’antidérapage veille sur vous en virage et il y a toujours la pédale de droite pour relancer l’orchestre à huit cylindres et vous faire sourire.
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Source : GuideAutoWeb.com, par Marc Lachapelle
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