Les années 80 sont une période de mutation en Amérique du Nord : passage à la traction avant, à l’injection électronique et à la construction monocoque. Pourtant, certains modèles irréductibles résistent encore vaillamment, comme la Monte Carlo. Mais c’est dans les vieux pots… n’est-ce pas?
Il faut remercier l’illustre John DeLorean pour la Monte Carlo. Lorsqu’il était directeur général de la division Pontiac, c’est lui qui a l’idée de lancer la Grand Prix pour le millésime 1969. Il s’agissait d’un coupé de luxe avec un capot allongé. En réponse, Chevrolet démarrera un programme similaire. Si la Monte Carlo a été développée sous la direction de Pete Estes, c’est John DeLorean qui en assurera l’introduction en septembre 1969 car il était entre-temps devenu directeur général de Chevrolet.
Si la première génération embarque des moteurs allant jusqu’à 454 pc (7,5 litres) et 365 chevaux, la seconde génération, lancée au millésime 1973, doit faire face aux nouvelles réalités du marché (montée des tarifs d’assurance, normes de pollution, goûts changeants du public). Plus orientée vers le luxe et avec des lignes plus baroques, elle se vendra beaucoup mieux, avec un pic de 411 038 exemplaires produits en 1977, sa dernière année de commercialisation.
Régime sans selLa première crise du pétrole de 1973 est passée par là et la Monte Carlo subit une cure d’amaigrissement pour 1978, comme le modèle sur lequel elle repose, la Malibu. L’empattement baisse de 116 à 108,1 pouces (2,75 m), la longueur totale de 213,3 à 200,4 pouces (5,09 m) et le poids de 3 852 à 3 040 livres (1 380 kilos). Cependant, l’auto reste une propulsion et utilise encore un châssis séparé.
Les lignes perdent en élégance et un V6 est disponible pour la première fois. Dans un marché où la performance n’est plus de mise, la Monte Carlo réussit à conserver son attrait auprès des acheteurs. En à peine trois ans, elle s'écoule à 823 956 exemplaires. Pourtant, GM décide de la restyler elle et ses acolytes sur base de châssis A-Body (Pontiac Grand Prix, Oldsmobile Cutlass Supreme et Buick Regal) pour le millésime 1981.
Économiser de l’essenceLa seconde crise du pétrole de 1979 est passée par là et le but est de réduire la traînée aérodynamique de 10%. Pour cela, le capot est abaissé, l’arrière est relevé et les flancs sont moins sculptés. Mécaniquement, l’accent est mis sur les V6. Pour les amateurs de chevaux, ou ce qu’il en reste, il y a même un V6 turbo d’origine Buick, offert depuis 1980 (voir liste des moteurs disponibles par années plus bas). L’auto a alors une excroissance sur le capot avec un logo « Turbo ». Mais ce modèle ne séduit guère les foules et se vend à 13 839 exemplaires en 1980 et à seulement 3 027 en 1981. Il ne sera logiquement pas reconduit. Si vous croyez qu’il s’agit là du fond du baril, attendez la suite…
Pour un coupé dit « de luxe », il faut sérieusement piocher dans la liste des options pour en avoir un peu : sièges baquets, console centrale, régulateur de vitesse, volant ajustable en hauteur, vitres teintées, ouverture de coffre électrique, essuie-glaces intermittents, vitres et sièges électriques ou climatisation sont livrés contre supplément. Parmi les options intéressantes, on peut noter la peinture deux tons, le T-top avec panneaux amovibles en verre, le groupe d’instruments à 6 cadrans, le différentiel à glissement limité et la suspension sport F41 (avec des pneus radiaux). Les deux derniers rendent la conduite relativement plus engageante.
Le millésime 1982 apporte peu de modifications, mais elles sont significatives. Côté cuisine interne chez GM, le châssis du quatuor de coupés propulsions prend la dénomination G-Body suite au lancement des nouvelles A-Body à traction avant (Chevrolet Celebrity, Pontiac 6000, Oldsmobile Cutlass Ciera et Buick Century). Côté mécanique, c’est une petite révolution puisque la Monte Carlo passe au diesel. Oui, vous avez bien lu, au diesel! Vous avez le choix entre deux blocs, fournis par Oldsmobile, générant davantage de bruit et de vibrations que de puissance : V6 de 85 chevaux et V8 de 105 chevaux. Le Canada sera épargné du V6 pendant un an.
La calandre est légèrement revue pour le millésime 1983. La liste des moteurs évolue aussi et il y a une belle surprise pour les amateurs de course dont nous allons reparler plus loin. En 1984, une nouvelle boîte automatique à 4 rapports TH-2004R est disponible en option pour les V8. Les sièges baquets et la console peuvent de nouveau être livrés contre supplément après deux ans d’absence. Le T-top fait son retour en 1985 tandis que les moteur diesel tirent leur révérence. Les États-Unis reçoivent un nouveau V6 Chevrolet de 4,3 litres mais pas le Canada, qui conservera le 3,8 litres Buick jusqu’en 1987.
Le millésime 1986 voit l’apparition d’une version LS offrant un avant plus aérodynamique ainsi qu’un pare-chocs arrière, des feux arrière et des moulures latérales spécifiques mais n’apportant aucun équipement additionnel. La version classique, avec l’ancienne esthétique, prend le nom de Coupé Sport… avant d’être supprimée l’année suivante.
Pour sa dernière année de production, 1988, le modèle ne connaît pas d’évolutions majeures (sauf le V6 au Canada). L’ultime Monte Carlo sort de la chaîne d’assemblage d’Arlington, au Texas, le 12 décembre 1987. Chevrolet fait passer ses coupés à la traction avant et à la construction monocoque avec les Beretta en 1988 et Lumina en 1990. Mais la Monte Carlo ne partira pas avant un dernier baroud d’honneur!
NASCAR!Dans les années 70-80, le Championnat NASCAR est important pour Chevrolet. La marque y remporte le titre Constructeur 5 fois d’affilée entre 1976 et 1980. Et puis en 1981, elle termine quatrième derrière une Buick Regal plus aérodynamique, bien qu’utilisant la même plate-forme. Chez Chevrolet, c’est la consternation! Germe alors l’idée de faire renaître le badge SS (pour Super Sport), déjà appliqué sur les Monte Carlo en 1970 et 1971. Aux vitesses atteintes en NASCAR, le nerf de la guerre, c’est le coefficient de pénétration dans l’air (Cx).
Grâce à un avant plus arrondi intégrant un béquet et à un aileron arrière, il passe de 0,445 sur un modèle de base à 0,375 sur la SS. Le 305 pc LG4 est copieusement revu : taux de compression de 9,5:1, carburateur Rochester Quadra-Jet E4ME recalibré, arbre à cames plus agressif, allumage reprogrammé et ligne d’échappement moins restrictive. Il développe alors 175 chevaux et 235 lb-pi de couple et prend le nom de L69. Il ne sera pas installé sur d’autres Monte Carlo que la SS.
La transmission est révisée avec un meilleur refroidissement tandis que l’essieu arrière passe de 2,29:1 sur le modèle de base à 3,42:1 pour une accélération plus franche. Ajoutez la suspension renforcée F41 de série et des roues de 15 pouces montées sur des Goodyear Eagle GT et vous obtenez une auto assez intéressante à conduire… pour l’époque.
L’extérieur est déchromé et seules deux couleurs sont offertes (blanc et bleu). L’intérieur est similaire aux autres Monte Carlo, y compris le levier de vitesses à colonne… Présentée en avant-première au Salon de Miami à l’automne 1982, la Monte Carlo SS arrive en concessions en cours de millésime 1983. Malgré une introduction tardive, 4 714 exemplaires sont écoulés. Et la course dans tout ça? Chevrolet reprend le titre en 1983. Mission accomplie!
La SS commence une série d’évolutions subtiles. En 1984, de nouveaux sièges baquets sont disponibles en option ainsi qu’une console centrale avec levier de vitesses au plancher (on l’a échappé belle!). La transmission automatique à 4 rapports devient optionnelle courant 1984 avant de passer en équipement standard l’année suivante, tout comme le rapport de pont de 3,73:1. Toujours en 1985, la gamme de couleurs évolue et le T-top est offert en cours d’année. Le millésime 1986 voit l’apparition de superbes roues en alliage alors que les graphiques extérieurs changent pour 1987.
Au fil des années, la SS devient de plus en plus populaire (voir les chiffres de production ci-dessous) par rapport à la Monte Carlo de base, justifiant ainsi l’adage « gagner le dimanche, vendre le lundi ». En effet, elle remportera le titre Constructeur de 1984 à 1989, avant d’être remplacée par la Lumina. Mais pour cela, il a fallu ajouter encore un petit quelque chose.
Encore plus NASCAR!Modifier l’avant, c’est bien, mais il restait toutefois à modifier l’arrière. Car les ingénieurs de Chevrolet avaient établi qu’à 320 km/h, il devenait un peu léger. Afin de remédier à ce problème, ils installèrent une vitre panoramique s’étendant jusqu’à la moitié du coffre ainsi qu’un aileron moins relevé pour corriger le flux d’air et faire baisser le Cx à 0,367. Pontiac optera pour une solution similaire pour sa Grand Prix, avec une vitre encore plus longue. Cet arrangement ne facilite pas le chargement d’objets mais ne modifie en rien la capacité du coffre.
Toute la partie mécanique est inchangée mais l’auto est plus lourde de 53 livres. Deux cents exemplaires de l’Aerocoupe sont rapidement fabriqués pour le millésime 1986, à fin d’homologation, et sont expédiés dans les concessions du sud-est des États-Unis, cœur de cible des amateurs de NASCAR. En 1987, il est disponible à grandeur du pays et 6 052 exemplaires seront écoulés bien que demandant 1 725 $ de plus que les SS normales.
La Monte Carlo renaîtra de ses cendres en 1995 sur la plate-forme W traction avant. Mais, malgré plusieurs séries spéciales orientées NASCAR, ça n’était plus pareil. En effet, il faudra attendre 2006, avant-dernière année de commercialisation, pour qu’un V8 fasse son retour. Tout fout le camp mon bon monsieur, tout fout le camp…
N.B. : Certains tableaux ont été omis vous pouvez les consulter
ici -----
Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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