Anvers, Belgique - À quoi ressemblera le parc automobile de demain? Avec le retrait progressif des moteurs à combustion interne, deux solutions de rechange se détachent nettement. Les véhicules électriques à batterie, et les modèles à hydrogène. Chaque solution a ses avantages et ses inconvénients et certains constructeurs misent sur les deux technologies en parallèle.
C’est le cas de Toyota, Hyundai, Honda, mais aussi de BMW qui a présenté à la presse un véhicule basé sur le VUS X5. Baptisé iX5 Hydrogen, ce modèle servira à un projet pilote. Une centaine de VUS vont être utilisés un peu partout dans le monde à des fins de démonstration et d’essai. L’objectif de BMW étant de commercialiser une gamme de véhicules à hydrogène à moyen terme.
L’hydrogène 101Mais avant d’aller plus loin dans cet essai routier, revenons aux fondamentaux. Quand on parle d’un véhicule à hydrogène, il s’agit en réalité d’une voiture électrique. C’est juste qu’elle ne tire pas son énergie d’une grosse batterie. Au lieu de cela, elle fait appel à une pile à combustible.
C’est un système de production d'électricité inventé au 19e siècle, mais qui a tardé à trouver des applications concrètes dans l’industrie. Pour l’anecdote, le module de commande des fusées Apollo qui se sont envolées vers la Lune en était muni. Cela permettait de fournir de l’électricité et de l’eau à l’équipage.
Le fonctionnement de base d’une pile à combustible est très simple. Des électrodes recouvertes de platine (métal rare et cher) sont disposées à la manière d’un mille-feuille. D’un côté, on fait passer de l’hydrogène (dihydrogène H2) et de l’autre de l’air (dioxygène O2). La rencontre des deux gaz dans la pile à combustible produit de l’électricité, de la chaleur et… de l’eau puisque la combinaison d’atomes d’hydrogène et d’oxygène donnent du H2O.
L’hydrogène est l’élément chimique le plus abondant dans l’univers. Il est aussi très présent sur Terre, mais pas sous la forme requise pour alimenter une pile à combustible. En effet, il a tendance à se mélanger facilement à d'autres atomes, comme du carbone ou de l'oxygène. Cela implique donc une première transformation pour obtenir du H2. Puis, pour avoir suffisamment d’autonomie, il faut le comprimer et en mettre beaucoup dans le réservoir, qui doit supporter une très haute pression. Dans le cas du BMW iX5, on parle de 700 bars, un peu plus de 10 000 PSI! Avec un plein complet, le iX5 embarque 6 kg d’hydrogène dans ses deux réservoirs. Cela lui octroie une autonomie approximative de 500 km.
La pression dans le réservoir étant trop forte pour alimenter directement la pile à combustible, un régulateur la fait descendre de 700 bars à 10-15 bars en fonction des besoins. Un dernier système abaisse encore la pression à environ 1 bar au moment où l’hydrogène entre dans la pile à combustible.
De l’autre côté de la pile, le véhicule utilise l’air ambiant pour amorcer la réaction chimique. L’air extérieur est d’abord filtré, comme pour n’importe quel moteur à essence, avant de passer dans un compresseur. Ressemblant à un turbo de voiture classique, ce dernier fait grimper la pression à 1 bar, pour que la pression d’hydrogène et d’oxygène soit similaire. Avant d’être injecté dans la pile à combustible, l’air est refroidi puis humidifié grâce à une partie de l’eau évacuée par l’échappement.
La réaction chimique à l’intérieur de la pile produit de l’électricité qui peut alimenter le moteur en direct, ou être stockée dans une petite batterie. Dans le cas du iX5, on parle de 2 kWh utilisables, ce qui est bien plus faible qu’une voiture électrique à batterie.
Avec une température maximale de 90°, la chaleur produite par la pile à combustible permet de chauffer l’habitacle sans gruger l’autonomie de la voiture. L’eau résultant de la réaction chimique est envoyée dans un échappement avec réducteur de bruit. Il en sort de la vapeur et de l’eau, en assez grande quantité puisque les ingénieurs de BMW ont parlé de 10,8 kg d’eau (soit 10,8 litres) pour 100 km parcourus.
Que vaut le iX5 sur la route ? Basé sur le BMW X5 hybride rechargeable, le iX5 Hydrogen affiche un poids inférieur de quelques kilogrammes (qui ne nous a pas été communiqué). Sachant qu’un X5 xDrive45e pèse 2 561 kg, le iX5 demeure tout de même lourd. Le châssis, légèrement modifié, les trains roulants et tout l’intérieur sont repris du X5 hybride rechargeable. L’espace intérieur est également similaire. Ce qui différencie cette version à hydrogène, ce sont les insertions de couleur bleue que l'on retrouve disséminées un peu partout sur et dans le véhicule.
Par contre, le moteur électrique et la transmission proviennent du iX à batterie. Les véhicules fabriqués pour le projet pilote sont dotés d’un rouage à propulsion, mais BMW nous a précisé qu’un VUS à traction intégrale serait envisageable en ajoutant un moteur à l’avant.
Les premiers tours de roue avec le BMW iX5 se passent comme dans n’importe quel VUS électrique. La tenue de route rappelle celle des X5 à essence. On retrouve une direction adéquatement calibrée, un roulement bien maîtrisé ainsi qu’une tenue de route plutôt dynamique pour un véhicule de ce gabarit. La puissance totale annoncée par BMW s’élève à 396 chevaux, ce qui est amplement suffisant pour mouvoir un X5.
Avec un 0 à 100 km/h annoncé en 6 secondes, les accélérations sont moins fortes que celles d’un iX, mais demeurent tout de même rapides. La pile à combustible fait un peu de bruit lorsque l’on se trouve à l’extérieur du véhicule, mais plus rien n’est audible une fois en route. L’insonorisation a très bien été réalisée et le iX5 est aussi silencieux que n’importe quel véhicule électrique à batterie. Le système de régénération d’énergie au freinage est également identique. L’énergie ainsi récupérée est stockée dans la batterie et peut servir lorsque le conducteur sollicite le véhicule plus fortement.
Au terme de notre essai d’un peu moins de 2 heures, le iX5 Hydrogen affichait une consommation moyenne de 1,4 kg d’hydrogène pour 100 km. Une donnée inhabituelle, qui impose quelques calculs mentaux pour connaître son autonomie réelle.
Sachant que le réservoir peut contenir 6 kg d’hydrogène, nous aurions pu parcourir environ 430 km avec un plein de carburant. Pour remplir le réservoir, BMW nous a montré comment faire à une station-service. Mis à part le verrouillage du pistolet et l’appui sur un bouton (vert ou rouge) pour débuter et arrêter le remplissage, cela se déroule exactement comme un plein d’essence.
La recharge complète prend 3 à 4 minutes. Sur le modèle qui a été rempli d’hydrogène, BMW a ajouté 4,2 kg de carburant. Avec un prix de 17,99 euros par kilogramme (26 $), le montant total du plein s’élevait à 76 euros, taxes incluses (109 $). Sachant que l’opérateur nous a expliqué qu’il vendait son hydrogène en dessous du coût de revient réel pour le moment, cela signifie qu’il s’agit d’un carburant qui coûte cher.
Quel avenir au Canada ?La conduite d’un véhicule à hydrogène ressemble beaucoup à celle d’un véhicule à batterie. Faire le plein ne prend que quelques minutes, ce qui est moins contraignant qu’un véhicule électrique sur une borne de recharge rapide.
En revanche, les véhicules à hydrogène viennent avec un gros lot d’inconvénients. D’abord il n’y a pratiquement aucune station-service au Québec et au Canada. Ensuite, obtenir de l’hydrogène sous la forme requise et à une pression suffisante impose des transformations qui sont coûteuses en énergie.
Enfin, la durée de vie du réservoir et de la pile à combustible sont également une question importante, car ce sont les éléments les plus coûteux du véhicule. Selon les experts de BMW consultés sur place, les réservoirs ont une durée de vie de 15 ans avant de devoir être remplacés en Europe. Mais il s’agit d’une loi, pas d’un problème technique. Il serait donc théoriquement possible de les utiliser plus longtemps.
Ces mêmes experts se sont montrés moins bavards concernant la durée de vie de la pile et son coût de remplacement. La seule information que nous avons obtenue, c’est qu’elle devrait durer « le même kilométrage qu’un moteur à essence conventionnel », ce qui est plutôt vague.
Est-ce que cette technologie a un avenir au Canada? Oui, sans aucun doute. Mais pas pour des véhicules particuliers qui doivent se recharger dans des centaines de stations-service dispersées un peu partout au pays. Leur coût unitaire très élevé (plusieurs millions de dollars par station) complique encore davantage leur déploiement.
En revanche, cette technologie pourrait très bien convenir aux camions lourds ou aux camionnettes pleine grandeur de travail qui doivent tracter des charges lourdes sur des centaines de kilomètres. Un domaine où les véhicules à batterie avouent plus rapidement leurs limites, surtout par grand froid. Avec des stations bien placées à des endroits stratégiques, les camions pourraient venir s'approvisionner en hydrogène plus facilement que des voitures dont le trajet est moins prévisible.
D'ailleurs il est important de mentionner que pour BMW, l'idée n'est pas de remplacer les voitures à batterie par des véhicules à hydrogène. Tous les experts à qui nous avons parlé nous ont confirmé qu'il s'agissait d'une solution alternative, d'un complément. Il faut aussi comprendre que la stratégie du constructeur s’inscrit dans une vision globale et internationale, dans un monde où les modes de déplacement et la densité de population ne sont pas les mêmes que chez nous. L’Europe, mais aussi le Japon, où la population est dense et la recharge des voitures à batterie plus complexe à mettre en œuvre à grande échelle, s’intéressent davantage à l’hydrogène.
Au Québec, où le coût de l’électricité est parmi les moins élevés du monde, il est bien plus intéressant pour les consommateurs de se procurer une voiture à batterie plutôt qu’un véhicule à hydrogène. Et à moins d’une découverte scientifique majeure qui changerait radicalement la donne, cela devrait rester le cas pour les années à venir.
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Source : GuideAutoWeb.com, par Julien Amado
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