Alors que les camionnettes modernes deviennent de plus en plus grosses, on parle régulièrement de l’introduction sur le marché de modèles compacts. Le Ram Rampage, produit au Brésil, devrait prochainement faire son apparition en Amérique du Nord. Ce nom devrait rappeler quelque chose à ceux qui ont connu les années 80…
Suite à la lettre d’une femme de fermier qui demandait en 1932 « un véhicule pour aller à l’église le dimanche et pour amener nos porcs au marché le lundi », l’ingénieur Australien Lewis Bandt développa un véhicule qui combinait l’avant d’une auto classique avec l’arrière d’une camionnette. En 1934, le coupe ute (coupé utilitaire) ou ute était né. Tradition australienne, il faudra attendre 1957 et le Ford Ranchero pour que cette carrosserie soit introduite, avec un succès relatif, en Amérique du Nord. Chevrolet lancera le El Camino en 1959. Tout au long des années 60 et 70, ces deux modèles se feront concurrence.
C’est L, c’est bien L!L’arrivée en 1974 (1975 en Amérique du Nord) de la Golf chamboule la donne dans le segment des véhicules compacts des deux côtés de l’Atlantique. Chrysler Europe commence cette même année le développement d’une nouvelle traction avant, sous le nom de projet C2, qui deviendra l’Horizon. L’ingénierie est réalisée en France, chez Simca, et le style en Angleterre, chez Rootes. Lorsque le président de Chrysler, Gene Cafiero, voit l’auto, il décide que la C2 sera également commercialisée aux États-Unis et au Canada (les premiers standards de consommation CAFE, pour Corporate Average Fuel Economy, sont prévus pour 1978).
En avril 1975, l’étude est combinée avec l’Amérique, où elle prend le nom de L-Body. Si les deux modèles partagent une esthétique commune (hormis les pare-chocs), ils reposent en fait sur des planchers très différents, les Américains ayant choisi des suspensions McPherson à l’avant alors que les Européens font appel à des barres de torsion. La suspension arrière est à bras tirés dans les deux cas mais les géométries sont particulières à chaque continent. Les Dodge Omni et Plymouth Horizon sont lancées pour le millésime 1978. Ce sont des modèles extrêmement importants pour Chrysler pour deux raisons. La première est que, sous toutes ses versions, la plate-forme L sera écoulée à près de 2,5 millions d’exemplaires jusqu’en 1990. La seconde est qu’elle amènera la traction avant chez Chrysler Amérique (juste avant que les filiales européennes ne soient vendues à Peugeot en août 1978), une technologie fondamentale qui servira de base aux K-Cars, lesquels sauveront tout bonnement la compagnie.
Une première adaptationAlors que Chrysler a les poches vides, elle sort en 1979 des petits coupés sur plate-forme L à empattement raccourci (2,45 mètres contre 2,52 pour les berlines) baptisés Omni 024 chez Dodge et TC3 chez Plymouth. À partir de 1983, ils deviennent respectivement les Charger et Turismo (après qu’une variante Charger 2.2 ait été introduite chez Dodge en 1982). Si la seule motorisation initialement disponible est un 4 cylindres 1,7 L d’origine Volkswagen, un 4 cylindres maison de 2,2 litres est ajouté au millésime 1981. Ces deux coupés seront commercialisés jusqu’en 1987 à 786 198 exemplaires. Un joli succès pour des modèles aujourd’hui tombés dans l’oubli.
Une seconde adaptationC’est Hank Carlini qui aura l’idée de modifier l’Omni 024 en ute. Ce dernier est l’un des hommes de confiance de Lee Iacocca, président de Chrysler depuis 1978. Les deux se sont connus chez Ford, où Carlini a notamment été responsable du développement de la DeTomaso Pantera. Lorsque Iacocca a été remercié par Henry Ford et s’est retrouvé à la tête de la compagnie au Pentastar, Carlini l’a suivi pour devenir chargé des projets spéciaux. Les deux se fréquentaient hors du travail puisque ce dernier faisait partie du cercle de poker de Iacocca, qui se réunissait les vendredis soir.
Quand Iacocca voit le prototype de cette Omni 024 transformée, il donne immédiatement son feu vert. L’adaptation à la série est relativement simple (donc peu coûteux) : tout l’avant, y compris l’habitacle, provient de la 024. La carrosserie est entièrement monocoque avec la boîte comprenant une construction à double paroi en acier galvanisé. Sous cette boîte est ajouté un châssis de renfort à 6 traverses. La suspension arrière à bras tirés est remplacée par un combiné ressorts à lames/amortisseurs. L’empattement passe de 2,45 à 2,65 mètres. La capacité de charge est de 520 kg (1 145 lb) alors que la capacité de remorquage est de 340 kilos (750 lb). Le seul moteur disponible est le 2,2 litres de 84 chevaux. Il peut être accouplé soit à une boîte manuelle 4 rapports soit à une automatique à 3 rapports en option.
Un segment de nicheLe Dodge Rampage est introduit pour le millésime 1982. Il est disponible en deux versions : de base ou Sport. Le modèle d’entrée de gamme offre des roues de 13 pouces montées en 175, la radio AM, le chauffage et les essuie-glaces à deux vitesses. La version Sport ajoute des roues de 14 pouces en 195, un rapport de pont plus court (qui passe de 2,69:1 à 3,13:1), l’instrumentation Rallye (avec compte-tours et horloge) et la peinture deux tons avec décoration spécifique. Parmi les options, on retrouve la climatisation, des rails de boîte, différentes radios (AM/FM simple, avec lecteur 8 pistes ou lecteur de cassettes), le régulateur de vitesse, la direction assistée, un couvre boîte, des jantes en aluminium de 14 pouces ainsi que des ensembles éclairage et équipement populaire (ensemble éclairage plus direction assistée, rétroviseurs réglables de l’extérieur et essuie-glaces intermittents).
Le Rampage est sur un segment de marché assez réduit et fait face à une concurrence peu nombreuse : les Subaru BRAT et Volkswagen Rabbit pickup. Le Chevrolet El Camino est dans une catégorie supérieure alors que Ford a jeté l’éponge avec le Ranchero en 1979 (il existe bien le Ford Durango proposé entre 1979 et 1982, mais il s’agit d’une conversion sur base de Fairmont réalisée par National Coach Works à seulement 212 exemplaires). Dans son édition de 1983, le Guide de l’auto met un Rampage automatique à l’essai. Le véhicule est apprécié pour sa tenue de route, son habitabilité, sa plate-forme de chargement et ses espaces de rangement bien conçus. Les bruits de caisse, la finition bâclée, les sièges manquant de maintien latéral et la transmission automatique anémique déçoivent par contre. La consommation durant le test s’élève à 11,8 L/100 km.
La production de 1982 se solde à 17 636 exemplaires, ce qui semble être un bon résultat puisque Dodge reconduit le modèle pour 1983 mais, en plus, Plymouth aura droit à sa propre version. Cette division de Chrysler est nettement moins reconnue pour ses utilitaires que Dodge, même si elle commercialise le Trail Duster et des fourgons depuis 1974. Baptisée Scamp, elle est disponible en deux variantes, de base ou GT, et reprend l’avant du coupé Turismo. Malheureusement, ce modèle passe totalement inaperçu et seulement 3 564 exemplaires seront fabriqués (2 184 de base et 1 380 GT). Il ne sera logiquement pas reconduit.
Le Dodge Rampage connaît différentes évolutions pour l’année modèle 1983 : boîte manuelle 5 rapports optionnelle, plus gros disques de freins ainsi que les phares halogènes, l’horloge et les essuie-glaces intermittents de série. La version Sport devient 2.2 (ce qui est déconcertant puisque tous les Rampage ont un 2,2 litres). La production baisse à 8 033 exemplaires, probablement à cause de la concurrence du Scamp.
Une fin en beautéLe millésime 1984 voit un léger restylage de la calandre, qui intègre dorénavant 4 phares. La boîte manuelle à 5 rapports vient de série et la puissance du moteur passe à 98 chevaux. Un ensemble Prospector est disponible en option (peinture deux tons, barres latérales de caisse, couvre-tonneau, logos spécifiques et équipement enrichi, dépendamment de la version).
Si Carroll Shelby avait montré en 1983 un prototype de Rampage très modifié, baptisée Street Fighter, il ne le produira pas en série. Ce sont des concessionnaires Dodge de Californie qui assureront la conversion de 218 Rampage en Shelby Rampage en installant le devant, les roues de 15 pouces et la décoration des Charger Shelby. L’équipement de base comprendra également la direction assistée, l’air conditionné et le régulateur de vitesse. Un beau cadeau de départ car, après 11 732 exemplaires produits, le Rampage ne sera pas reconduit. L’usine de Belvedere, dans l’Illinois, tourne à plein régime et assembler ce modèle un peu trop spécial ralentit les cadences. À ce moment, Chrysler a connu un redressement spectaculaire. La compagnie a les poches pleines et compte bien se les remplir encore plus!
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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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