Le Pontiac Aztek, c’est l’apogée du design de comité. Pourtant, avec 20 ans de recul, certains le voient comme un précurseur des VUS modernes.
Alors : juste laid ou simplement en avance sur son temps?
La griffe de l’oursAu milieu des années 90, le marché des VUS est en plein essor et plusieurs constructeurs réfléchissent aux prochaines évolutions. Commencent alors à apparaître des modèles construits sur des châssis monocoques (Toyota RAV4 et Honda CR-V pour commencer et Subaru Forester plus tard). Chez GM, on a une autre idée.
Au studio Advanced Concept Center, en Californie, les designers étudient déjà des véhicules polyvalents destinés au plein air. Son directeur, Tom Peters, demande à son équipe de créer un modèle issu du mélange d’une Camaro et d’un Blazer. Parmi les sources d’inspiration, on retrouve un blouson The North Face (principalement pour l’agencement des couleurs). Le projet initial est baptisé Bear claw (griffe d’ours) et repose sur un châssis séparé de série S (Chevrolet Blazer). Les lignes sont acérées, le toit est relativement bas et la garde au sol plutôt haute. Vous pouvez voir une des premières esquisses ici.
[ Lien vers la vidéo :
https://www.guideautoweb.com/articles/61959/vous-souvenez-vous-du-pontiac-aztek/ ]
Osons!Étonnamment, le projet va de l’avant. Il faut dire que GM doit redorer son image de marque et son PDG, Rick Wagoner, a décrété que « 40 % des nouveaux modèles de GM doivent être innovants »… sans que personne ne sache vraiment ce que cela veut dire.
À la fin des années 90, le développement chez GM est un foutoir innommable. Nous sommes dans les pires années du brand management où le marketing d’un véhicule est au moins aussi important que le véhicule lui-même, un peu comme des paquets de lessive. Les nouveaux modèles doivent remplir de longues listes de critères arbitraires dont finalement peu sont au bénéfice du client. Dans tout ça, les designers n’ont plus aucun pouvoir et sont là simplement pour donner une peau à l'auto. Il est loin le temps de Harley Earl et de Bill Mitchell…
L’une des premières décisions, et certainement la pire, est d’utiliser une version raccourcie de la plate-forme monocoque de minifourgonnettes GMT200 (alias U-Body, utilisée par les Chevrolet Venture, Pontiac Trans Sport et Oldsmobile Silhouette) à la place du châssis séparé de série S. Cela a pour conséquence de modifier totalement les proportions : la garde au sol est plus basse, la ceinture de caisse et le toit sont rehaussés, les arches de roues sont plus petites et le tableau de bord est poussé vers l’avant. Les lignes de Bear Claw ne rentrent pas bien dans ce nouveau moule. Ce n’est pas grave, le développement se poursuit.
Les tests cliniques sont une catastrophe et l’Aztek finit systématiquement bon dernier. Qu’importe, chez GM, on y croit et la direction choisit d’ignorer complètement l’avis de la clientèle! D’autant plus que le projet satisfait tous les critères internes susnommés. Non mais, qu’est-ce qu’il y connaît, le public?
Le bon et le moins bonAfin de préparer ce fameux public, GM présente un concept au Salon de l’auto de Detroit, en janvier 1999. L’accueil de la presse est mitigé : on y voit le potentiel pour les activités de plein air mais les lignes ne font pas l’unanimité.
Exactement un an plus tard, Pontiac introduit la version finale et là… c’est le choc. On ne retrouve plus les proportions du concept, le plastique est omniprésent (le fameux cladding), la calandre est tarabiscotée… Bref, on a l’impression que le haut n’a pas été dessiné en même temps que le bas, ni l’arrière en même temps que l’avant. La réaction de la presse est cette fois-ci unanime : kosséssa?!?!
Pourtant, GM a fait ses devoirs et l’Aztek propose plusieurs aspects originaux… pardon, innovants : la console centrale est une glacière amovible, des sacs fourre-tout sont placés dans les portes avant et la banquette arrière peut être enlevée (ce qui permet jusqu’à 2 648 L de volume de chargement ou de transporter des panneaux de contreplaqué entiers).
Cependant, c’est vraiment autour du coffre que l’Aztek démontre sa polyvalence. Le hayon s’ouvre en deux parties. On peut s’asseoir sur la partie du bas tout en buvant un soda grâce aux deux porte-gobelets intégrés. La chaîne stéréo optionnelle possède des commandes supplémentaires dans le coffre, ce qui est idéal pour faire la fête. Un plateau coulissant (optionnel) permet de charger jusqu’à 180 kilos sans effort et il contient des compartiments relevables. Une fois enlevé, il peut facilement être transporté, car il est doté de roulettes. Et puis, il y a le fameux ensemble Camping, lui aussi en option. Il comprend une tente et un sac de couchage gonflable sur mesure.
Mais comme trop souvent chez GM à l’époque, les bonnes idées sont masquées par une exécution douteuse : les plastiques intérieurs sont indigents, le moteur V6 de 3,4 L offre suffisamment de puissance (185 chevaux) mais manque cruellement de raffinement, tout comme la boîte de vitesses, et le rouage intégral non permanent VersaTrak (optionnel) n’est pas particulièrement performant. Pour ce qui est de la tenue de route, eh bien, avec une plate-forme, un moteur et des trains roulants de minifourgonnette, vous conduisez... une minifourgonnette. Quant aux capacités hors route, elles sont plutôt limitées. Bref, on est loin des intentions initiales!
Réaction de paniquePontiac estime pouvoir écouler jusqu’à 75 000 Aztek par année aux États-Unis et lance une énorme campagne de publicité. Mais l’accueil du public est glacial. Il faut dire qu’en plus du style polarisant, l’Aztek est cher : 22 545 $ en version de base et 25 545 $ en version GT aux États-Unis; 33 845 $ au Canada en version GT uniquement.
C’est la panique chez GM, qui annonce un restylage seulement 6 mois après le lancement, ainsi que de vastes rabais. L’année d’après, le cladding gris disparaît au profit de panneaux de couleur caisse et un aileron apparaît sur la vitre arrière. Une version de base est proposée au Canada.
Ensuite, l’Aztek ne connaît que peu d’évolutions, principalement au niveau des systèmes d’infodivertissement et dans l’offre de quelques séries spéciales. Il est retiré du catalogue à la fin du millésime 2005. Au total, Pontiac n’aura écoulé qu’un peu moins de 120 000 exemplaires aux États-Unis en 5 ans. L’Aztek semble avoir connu une carrière encore plus discrète au Canada.
Avec des si…En refusant d’écouter sa clientèle et en croyant coûte que coûte à la réussite du projet, GM s’est tiré une balle dans le pied. Avec des lignes plus conservatrices, le Buick RendezVous (basé sur la même architecture) s’est presque 3 fois mieux vendu. Le designer en chef de l'Aztek, Tom Peters, a expliqué : « Rester proche de sa vision est fondamental. Si je devais refaire l’Aztek, je garderais la plate-forme séparée (châssis série S) et les proportions et capacités qui vont avec ». Heureusement pour Peters, l’histoire retiendra surtout son implication dans le design des Corvette C6, C7 et C8.
Pour GM, l’Aztek aura au moins un bon aspect : l’embauche de Bob Lutz à la tête du développement produit et le début d’une refonte de ses processus. C’est déjà ça!
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GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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