L'essor de la voiture électrique est directement menacé par la forte hausse du coût des matières premières utilisées pour la fabrication de ses batteries, qui a déjà entraîné les premières hausses de prix. Sa démocratisation semble un objectif de plus en plus difficile à atteindre.
Le défi que les constructeurs s'étaient fixé était d'aligner le prix d'une voiture électrique sur celui d'une voiture conventionnelle, dans un délai relativement raisonnable. Certaines marques commençaient à y parvenir, avec des modèles à moins de 20 000 euros, comme la Dacia Spring par exemple. Mais en 2022, un problème est apparu : l'augmentation du coût des matières premières utilisées pour fabriquer les batteries. Le prix du lithium a augmenté de plus de 500 %, stoppant net une tendance à la baisse enclenchée depuis dix ans.
Cette situation provoque de fortes tensions dans l'industrie automobile. Elle pourrait faire dérailler le processus d'adaptation vers la mobilité électrique. Pour éviter cela, les principaux fabricants se sont lancés dans une course aux accords exclusifs avec les compagnies minières pour garantir l'approvisionnement. Ils n'excluent pas non plus de racheter purement et simplement des sociétés minières.
« L’or blanc »
Tesla, qui avec 936 000 unités vendues en 2021 est le principal acteur de ce marché dans le monde, a déjà annoncé un accord de trois ans avec le Chinois Gan feng Lithium, premier fournisseur de lithium au monde, pour garantir son approvisionnement. General Motors et BMW investissent également dans l'extraction de « l’or blanc » en Californie et en Argentine, et Volkswagen et Mercedes se sont positionnés au Canada, où qui abrite une importante source inexploitée.
Mais tout cela n'a pas empêché certains constructeurs de commencer à revoir à la hausse les prix de vente de leurs voitures, montrant clairement que la rentabilité devient de plus en plus difficile. Le meilleur exemple en est la Volkswagen ID.3, le modèle avec lequel la marque allemande entendait démocratiser la voiture électrique, et dont le prix ne cesse d'augmenter. De 38 300 euros en 2021, il est passé à 42 450 euros en 2022 (version avec une batterie de 58 kWh et une puissance de 150 kW).
Un autre modèle qui n'a pas encore été lancé sur le marché mais qui devait coûter moins de 20 000 euros, la Volkswagen ID.2 (qui sera fabriquée à Landaben, en Navarre), est désormais annoncé à « moins de 25 000 euros ». Un autre exemple éloquent est celui de la Ford Mustang Mach-E, dont la production est désormais 25 000 dollars plus chère qu'un SUV doté d'un moteur thermique équivalent, ce qui a conduit les responsables de la marque à reconnaître qu'elle n’était plus rentable…
Des temps d'attente plus longs
Un autre problème qui menace l'expansion de la voiture électrique est l'allongement du délai de livraison au client, avec des retards pouvant atteindre sept mois en moyenne, contre cinq pour les voitures à moteur à combustion, car il faut davantage de micro-puces pour les fabriquer.
Les marques européennes et américaines ressentent davantage les effets de ces deux crises superposées, en raison de l'absence de fournisseurs « maison », tandis que les marques asiatiques, qui disposent de leurs propres canaux, connaissent moins de problèmes de production, même si elles ne sont pas non plus épargnées par les retards. Et pour couronner le tout, il ne faut pas perdre de vue l'envolée des prix de l'électricité, qui rend la recharge des batteries de plus en plus coûteuse.
Doutes sur la nouvelle génération de batteries
L'augmentation du coût des matières premières a conduit les principaux constructeurs automobiles à rechercher de nouvelles technologies alternatives pour réduire leur coût, comme les batteries à l'état solide, qui ont une densité énergétique plus élevée, même si pour l'instant il n'existe que des prototypes.
Certaines voitures - principalement Tesla et BMW - ont commencé à être équipées de batteries cylindriques lithium-ion 4680, dont la principale vertu est d'être moins chère et plus efficace. Les nouvelles cellules se caractérisent par leur taille - elles ont un diamètre de 46 millimètres et une hauteur de 80 millimètres, d'où leur nom - et sont capables de stocker cinq fois plus d'énergie et de fournir jusqu'à six fois plus de puissance. Tout cela avec une autonomie et une vitesse de charge améliorées. La distribution des électrolytes, beaucoup plus simple que dans les conceptions conventionnelles, est ce qui permet de réduire les coûts de production.
Mais il n'y a pas que des avantages. Il a récemment été révélé qu'elles sont très coûteuses à réparer, car les cellules sont intégrées directement dans le châssis selon le nouveau concept de batterie structurelle, qui libère de l'espace pour la batterie tout en faisant partie de la structure du véhicule.
La société américaine de conseil en ingénierie Munro Associates, spécialisée dans le démontage de dispositifs technologiques, a constaté qu'il était pratiquement impossible de remplacer les cellules endommagées des batteries que Tesla installe dans les derniers modèles Y, car elles sont recouvertes de panneaux en plastique scellés par d'épaisses couches de résine de type polyuréthane. Le remplacement ne peut donc se faire qu'en démontant le pack, ce qui nécessite... de commander une nouvelle batterie.