La définition d’un maverick est celle d’un libre-penseur, d’un non conformiste. Pourtant, avant d’avoir été associé à une camionnette à succès, ce nom désignait chez Ford une voiture on ne peut plus conventionnelle.
Lorsque les Trois Grands de Detroit lancèrent pour le millésime 1960 leurs modèles compacts (Plymouth Valiant, Chevrolet Corvair et Ford Falcon), tous avaient un objectif en tête : battre la Volkswagen Beetle. Dix ans plus tard, le bilan est en demi-teinte : certes, les trois véhicules se sont bien vendus (spécialement la Falcon avec près de 2,8 millions d’exemplaires) mais la progression de Volkswagen n’a pas été arrêtée… c’est même plutôt l’inverse.
Prise 2Chez Ford, depuis le lancement de la Falcon, la gamme a sensiblement évolué avec l’apparition de l’intermédiaire Fairlane en 1962 et de la Mustang en 1964. Les ventes de Falcon baissent régulièrement depuis 1967. Alors que faire? Lee Iacocca, le président de Ford, décide de muscler son bas de gamme : lancement d’une nouvelle compacte pour 1970 et d’une sous-compacte pour 1971. Pour la sous-compacte, pas le choix, il va falloir développer une nouvelle plate-forme. Celle-ci deviendra la Pinto, de plus ou moins sinistre mémoire. Pour la compacte par contre, les soubassements de la Falcon (construction monocoque) feront parfaitement l’affaire, même s’ils ont déjà plusieurs années. À partir de 1966, le projet Delta démarre avec pour objectif, à nouveau, de battre la Beetle. Les designers vont donner à l’auto des proportions similaires à celles de la Mustang (capot long, arrière raccourci) et une ligne fastback inspirée de celle du concept Allegro de 1963. L’empattement est raccourci à 103 pouces (262 cm) contre 110,9 pour la Falcon (282 cm). La Maverick est calibrée pour accueillir 4 passagers (contre 5-6 pour la Falcon) mais ceux qui seront installés à l’arrière ne seront pas très bien assis.
Superstitieux ?C’est la question que l’on est en droit de se poser à propos de Lee Iacocca. Il a fixé la date de lancement de la Maverick au 17 avril 1969, soit 5 ans jour pour jour après l’introduction de la Mustang. Proportion de Mustang, nom lié à l’univers des chevaux et même journée de lancement, ça sent un peu la martingale tout ça… Il n’empêche que les gens affluent dans les concessions, probablement attirés par un prix de base de 1 995 USD/2 375 CAD pour un modèle de base millésimé 1970. En comparaison, une Falcon coûte 2 390 USD/2 827 CAD.
Pour ce prix, l’acheteur a droit à un 6 cylindres en ligne de 170 pc (2,8 litres) développant 105 chevaux et couplé à une boîte manuelle à 3 rapports synchronisés avec levier à la colonne, une suspension indépendante à l’avant, un essieu rigide monté sur ressorts à lames à l’arrière, des freins à tambour aux 4 roues, le chauffage, des tapis de sol en caoutchouc dans l’habitacle et le coffre, des vitres arrière ouvrantes, un plateau de stockage à la place de la boîte à gants et … voilà. À ce prix, vous ne pouvez pas faire de miracles. Ce qui veut dire que tout le reste est en option : 6 cylindres 200 pc (3,3 litres) développant 120 chevaux, boîte semi-automatique (seulement sur le 170 pc), boîte automatique Selecshift, vitres teintées, air conditionné, différents rapports de pont (selon le moteur et les équipements), radio AM, ensemble Accent (accents chromés, pneus plus larges, tapis coordonnés, enjoliveurs de roues). Là où Ford met un peu de fantaisie, c’est dans le choix des couleurs. Il y en a 15 dont 5 vives portant des noms avec un jeu de mots en anglais : Anti-Establish Mint, Hulla Blue, Original Cinnamon, Freudian Gilt et Thanks Vermillion.
La Maverick est présentée dans les publicités comme « The simple machine » (la machine simple). Ford précise qu’elle est simple à acheter, posséder, utiliser, stationner et entretenir. Parfait! Sauf que, dans son édition de septembre 1969, le magazine Road & Track n’est pas tendre avec elle. Le texte commence par ces mots : « Sérieusement, si la Ford Motor Company pense vraiment que sa nouvelle Maverick va instantanément rendre les véhicules économiques importés inutiles pour le conducteur américain, ses dirigeants doivent avoir perdu la tête. Ce n’est pas une mauvaise voiture, si on la considère dans son ensemble et qu’on lui accorde tout ce qu’elle mérite, mais en dehors de ses performances dynamiques (avec le moteur optionnel plus puissant), elle n’a pratiquement aucune des vertus communes aux meilleurs véhicules importés économiques disponibles pour l’acheteur américain ». Aïe! Le magazine n’aime pas les sièges, la direction, la visibilité, la disposition du coffre, la consommation et conclut son essai de la façon suivante : « Comparée aux principales berlines économiques importées, elle n’est même pas dans la même catégorie en ce qui concerne l’agilité, le freinage, la tenue de route ou la consommation de carburant. Mais ils les vendent. Qui les achète? »
Apparemment, les gens désireux d’obtenir un moyen de transport pour aller du point A au point B ne manquent pas, car Ford produira 578 914 exemplaires pour 1970 (en prenant en compte un millésime allongé). Superstitieux ou pas, Iacocca a encore une fois eu le nez creux et la Maverick est un succès commercial.
Changement (léger) de directionDéjà au cours du millésime 1970 Ford avait apporté quelques changements à sa compacte : un plus gros 6 cylindres est ajouté à la liste des options (250 pc, 4,1 litres, 155 chevaux) ainsi qu’un toit en vinyle. Un ensemble « sportif » baptisé Grabber est également offert. Il comprend des bandes décoratives noires sur le capot et les côtés, des rétroviseurs couleur carrosserie, des pneus de 14 pouces, un volant à 3 branches et des sièges en vinyle noir.
Pour 1971, les changements sont encore plus importants. Une berline 4 portes est ajoutée à la gamme. Elle repose sur un empattement allongé à 109,9 pouces (279 cm), pèse 60 kilos de plus et demande un supplément de 60 USD/82 CAD. L’idée est de remplacer la berline Falcon qui a disparu à la fin de l’année modèle précédente. Si au début le coupé reste plus populaire, la berline va progressivement réaliser de meilleurs chiffres pour devenir le modèle le plus produit de la gamme de 1975 à 1977 (voir tableau de production ci-dessous).
La Grabber passe d’option au statut de modèle à part entière. La calandre est modifiée et reçoit deux phares rectangulaires additionnels, le capot bénéficie de deux prises d’air (non fonctionnelles) et la sellerie est coordonnée à la peinture. L’extérieur est de couleur vivre : Grabber Blue, Grabber Green Metallic, Grabber Yellow et Grabber Lime. Pour améliorer la sportivité de l’engin, on peut ajouter le levier de vitesses au plancher. Toutefois, l’option qui va vraiment rendre la Grabber intéressante est introduite en décembre 1970 : le V8 302 pc (4,9 litres) de 210 chevaux. Certes, on est encore loin de la sauvagerie des big blocks mais une Mustang équipée du moteur équivalent pèse près de 120 kilos de plus. Pour les accélérations, ça compte! Pour le reste, les puissances des 6 cylindres sont revues à la baisse : 100 chevaux pour le 170 pc, 115 pour le 200 pc et 145 pour le 250 pc.
Quoi qu’il en soit, cela n’empêche pas la production de baisser de 53%. Les raisons sont multiples : lancement de la Mercury Comet (une Maverick un peu plus luxueuse), lancement de la Pinto, destinée aux véritables amateurs d’économie, et durée du millésime normale.
La montée en gamme va continuer en 1972 avec l’apparition de l’ensemble Luxury Decor Option (ou option Décor de luxe au Québec) qui comprend le toit en vinyle, la calandre chromée avec phares encastrés, des moulures chromées avec bande de couleur sur le côté, des butoirs de pare-chocs, des roues de 14 pouces avec enjoliveurs de couleur harmonisée, tapis au plancher, sièges baquets en vinyle de luxe, décoration faux bois, ceintures de sécurité de couleur et rétroviseur jour/nuit.
Une série spéciale aux accents patriotiques est offerte au printemps 1972 : la Sprint (également disponibles sur les Pinto et Mustang). Ces autos sont peintes en blanc avec des bas de caisse et bandes bleus, le tout accompagné de liserés rouges et d’une inscription « USA » dans les ailes arrière. L’intérieur comprend des sièges blancs avec inserts bleus, passepoils rouges et tapis bleus. Une série similaire sera commercialisée au Canada avec le bleu simplement remplacé par du rouge et des emblèmes de feuille d’érable.
Ce millésime connaît également quelques changements d’ordre général : puissances exprimées en net et non plus en brut (82 chevaux pour le 170 pc, 91 pour le 200 pc et 98 pour le 250 pc et 143 pour le 302 pc), disponibilité de pneus radiaux et ajout de barres de protection dans les portes à partir du 1er mars 1972.
Elle fait de la résistance!L’année modèle 1973 voit les premiers changements esthétiques importants à cause de nouvelles normes de sécurité imposant l’installation de pare-chocs capables de résister à des impacts de 5 mph sans déformation. Ford en profite pour redessiner la calandre et y installer les phares de Grabber de série. Parmi les autres changements, on note la disparition du 170 pc de base (le 200 pc est dorénavant le moteur de série), l’ajout de matériau insonorisant, des freins et suspensions améliorés, des sièges plus confortables et du tapis au plancher dans toutes les versions. Les ventes augmentent de 14,4%.
Et elles continuent d’augmenter (de 3,2%) l’année suivante « grâce » au premier choc pétrolier d’octobre 1973 forçant les acheteurs à se diriger vers des véhicules plus économiques. Les pare-chocs fédéraux sont également installés à l’arrière tandis que ceux à l’avant sont redessinés pour être encore un peu plus volumineux. Les freins à disque apparaissent sur la liste des options. À l’intérieur, le combiné à instruments et les selleries sont revus alors qu’une boîte à gants verrouillable est enfin installée.
Le millésime 1975 est marqué par le lancement du duo Ford Granada / Mercury Monarch. Ces autos auraient dû sonner la fin pour les Maverick et Comet mais, devant de bons chiffres de ventes, les planificateurs de la compagnie décident de continuer à les produire. Le modèle ne subit que quelques améliorations : pot catalytique, allumage électronique, pneus radiaux de série, réservoir d’essence plus grand. Entre l’introduction de concurrentes directes et un marché en pleine dépression, la production baisse de 46%. Qu’importe puisque le développement et l’outillage sont déjà rentabilisés, c’est du profit pur!
La Grabber disparait du catalogue en 1976. À la place, Ford sort un ensemble optionnel baptisé Stallion (aussi disponible sur les Pinto et Mustang II). Il comprend une grille, des moulures et des rétroviseurs noirs, le bouchon à essence de luxe, des roues sport, une suspension renforcée et une peinture deux tons combinant le noir avec 5 autres couleurs au choix. Pour les autres modèles, la grille bénéficie d’une séparation centrale, les freins à disque viennent de série et des rapports de pont plus longs, donc orientés vers l’économie, sont proposés. La Maverick parvient encore à être produite à près de 140 000 exemplaires mais tout le monde sait que ses jours sont comptés.
Pour sa dernière année, elle reçoit de nouvelles couleurs, un ensemble Haute altitude et une boîte manuelle recalibrée. La production passe sous la barre des 100 000 exemplaires en partie à cause d’une grève du syndicat UAW.
Pour 1978, la Maverick laisse sa place à la Fairmont (et la Comet à la Zephyr) qui repose sur la nouvelle plateforme Fox. Aujourd’hui presque totalement oubliée, la Maverick aura tout de même été produite à 2,1 millions d’exemplaires (2,6 si l’on compte la Comet). Des fois, ça aide d’être conventionnel… même si sa mission de battre la Beetle n’a pas vraiment été remplie.
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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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