Réputée pour ses familiales, Volvo a également une longue tradition de coupés, allant de la P1800 à la C70. Grâce à une association avec un carrossier italien prestigieux, le succès de la 780 semblait garanti. Pourtant…
La filière italienneLa maison Bertone, c’est l’Alfa Roméo Montréal, la Lamborghini Miura, la Lancia Stratos et c’est aussi… la Volvo 262C. L’association entre Volvo et le carrossier italien commence en 1976 avec la 264 TE, une limousine à 7 places produite chez Bertone en quantités limitées. En 1978, la marque suédoise présente une version coupé de sa 260, la 262C. On disait souvent que les Volvo étaient construites comme des chars d’assaut.
Eh bien, avec la 262C, vous aviez une Volvo qui leur ressemblait aussi. Car si ce coupé était bien assemblé chez Bertone, il avait été dessiné par Jan Wilsgaard, designer en chef de Volvo de 1950 à 1990. Ceci explique peut-être cela… La 262C utilise l’essentiel des pièces de carrosserie de la 260 sous la ligne de caisse et un toit abaissé de près de 10 centimètres. Sans grande surprise, la production s’arrête à la fin du millésime 1981 après seulement 6 622 exemplaires.
La dernière chanceÀ la fin des années 70, Volvo est dans une situation financière difficile. Le remplacement de la série 200 (240 et 260) est absolument crucial pour la survie de la marque. Le projet est d’ailleurs initialement baptisé 1155, qui signifie « 5 minutes avant minuit ». Bonjour l’ambiance… La conception de la série 700 (740 et 760) commence en 1975.
C’est Jan Wilsgaard qui en signera les lignes cunéiformes (malgré des propositions venant de Coggiola et Italdesign) et Sven-Gunnar Johansson qui en sera le directeur technique. Après un développement compliqué, la 760 arrive finalement sur le marché en 1982, suivie de la 740 en 1984. Rapidement, la série 700 permet à Volvo de se renflouer les poches, d’autant que la 240 se vend encore très bien.
Une vraie collaborationC’est dans ce contexte difficile et après l’échec de la 262C que Volvo prend la décision tardive de lancer l’étude d’un coupé sur la base de la plate-forme 700. Un accord est signé entre la marque et Bertone en août 1981. Très heureux de faire tourner ses lignes de fabrication, le carrossier demande cependant à être cette fois-ci impliqué dans le design.
Pourtant, au début, Volvo ne souhaitait réaliser qu’un projet très similaire à la 262C. Jan Wilsgaard part en Italie et travaillera de concert avec les designers de Bertone. Le résultat final est un compromis des deux influences et la voiture ne partage rien avec la 760. Logiquement, c’est Sven-Gunnar Johansson qui est chargé du développement technique.
Le coupé sort de chez Bertone, à l’usine de Grugliasco, dans la banlieue de Turin. Les Italiens reçoivent de Suède l’essentiel des planchers, les moteurs, transmissions, suspensions, systèmes de chauffage et climatisation ainsi que les planches de bord. La majorité de la fabrication est faite à la main, ce qui explique que cela prend 49 heures pour construire une 780.
L’usine était capable de produire 20 voitures/jour mais n’en sortira jamais plus de 12/jour. Pour réaliser les superbes sièges (qui peuvent être disponibles en deux tons), il faut 20 mètres carrés de cuir. Les boiseries sont renforcées par une plaque d’acier pour éviter les éclats en cas d’impact (on est chez Volvo, ne l’oubliez pas…).
Une classe à partLa 780 est dévoilée au public le 4 mars 1985, au Salon de l’auto de Genève. Elle sera disponible en Europe dès 1986 et un an plus tard en Amérique du Nord. Elle n’est offerte qu’avec le V6 B280F (code maison pour le V6 PRV issu d’un développement commun entre Peugeot, Renault et Volvo et que l’on retrouvera chez plusieurs autres marques, y compris DeLorean) de 2,8 litres et générant 145 chevaux.
Il est accouplé à une boîte automatique à 4 rapports. Les marchés européens ont aussi droit à un 6 cylindres en ligne turbodiesel de 2,4 litres d’origine Volkswagen. Au lancement, un V6 turbo est prévu (celui des Renault 25 Turbo et Alpine GTA) pour plus tard mais il ne sera jamais utilisé par Volvo, ne répondant pas aux normes de pollution américaines et connaissant des problèmes de refroidissement sous le capot des prototypes.
Si la 780 ne peut pas compter sur la fougue de son moteur, elle mise sur sa liste d’équipements de série : roues en aluminium, alarme antivol, climatisation automatique, toit ouvrant électrique, radiocassette à 4 haut-parleurs, finition plein cuir et bois, sièges électriques et chauffants… Sans oublier l’arsenal d’équipements de sécurité : 4 freins à disques, ABS, coussin gonflable côté conducteur et prétensionneurs de ceintures de sécurité à l’avant. Bien souvent, tout cela est disponible en option chez la concurrence allemande.
Justement, parlons-en de la concurrence. À 49 980 dollars canadiens, en 1988, la 780 semble être dans une classe à part puisqu’elle fait face à des rivales bien mieux motorisées mais aussi sensiblement plus chères : BMW 635 CSi (71 900 $), Jaguar XJS (61 375 $) ou Mercedes 300 CE (71 750 $). À son lancement, Volvo décrit la 780 comme « une automobile exotique pour l’homme pratique ». La presse salue sa finition, son confort, son équipement, mais regrette l’absence de boîte manuelle ainsi que sa consommation élevée (le V6 PRV, naturellement glouton, n’est pas aidé par un Cx de 0,39).
Soutenir les ventesVolvo ne touchera guère à la partie esthétique durant la carrière de la 780, toutefois, la partie technique connaîtra quelques évolutions importantes. Le millésime 1988 voit l’introduction d’un nouvel essieu arrière indépendant multibras (avec contrôle d’assiette Boge Nivomat). L’année suivante, un deuxième moteur est ajouté à la gamme.
Il s’agit d’un 2,3 litres turbo B230FT de 175 chevaux, toujours accouplé à une boîte automatique. Volvo espère aider les ventes en présentant ce modèle plus sportif. Pour 1990, le moteur turbo est profondément revu et développe maintenant 188 chevaux. Pour sa dernière année de production, 1991, la 780 prend le nom de « Coupé », tout simplement.
Au lancement, le manufacturier pensait construire 3 000 exemplaires par an. Mais la 780 n’a pas vraiment su convaincre la clientèle et seulement 8 518 Volvo 780 seront fabriquées. Les États-Unis en absorberont l’essentiel, soit 5 669. Quant au Canada, Volvo n’y écoulera que 364 exemplaires. La production s’arrêtera le 9 décembre 1990 à l’usine de Grugliasco. Il faudra attendre 1997 pour qu’un nouveau coupé fasse partie de la gamme Volvo. Mais ceci est une autre histoire…
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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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