L’accélérateur est au plancher, la boîte automatique rétrograde imperceptiblement et le V12 biturbo s’anime avec vigueur. La voiture est alors littéralement catapultée vers l’avant dans une manœuvre de dépassement d’un poids lourd transportant des billots de bois sur une route secondaire.
Après tout, quand on est au volant d’une Rolls-Royce Black Badge Ghost, dont le prix de départ est de 479 675 $, on rechigne un peu à l’idée que cette somptueuse berline soit aspergée de gravillons, de neige, de gadoue ou bien d’éclisses de bois larguées par un camion de transport. Aussi bien se servir des 591 chevaux et des 664 lb-pi de couple développés par le V12 biturbo de 6,75 litres pour éclipser les attardés qui bloquent notre vue sur les magnifiques paysages enneigés de notre pays que Gilles Vigneault appelle simplement « hiver ».
Ghost sur glace. Ce n’est pas le nom d’un cocktail, mais plutôt un titre approprié pour notre essai de la Black Badge Ghost de Rolls-Royce lors des derniers jours du mois de janvier dans les régions des Laurentides et de l’Outaouais. Lorsque l’on pense à jumeler Rolls-Royce et conduite hivernale, notre premier réflexe est celui d’évoquer le VUS Cullinan.
Toutefois, la génération actuelle de la Ghost étant également dotée d’un rouage intégral, cette berline s’avère vraiment compétente sur les routes enneigées et glacées, même si sa garde au sol n’est pas aussi élevée que celle du Cullinan.
En 2022, les ventes mondiales de Rolls-Royce se sont chiffrées à 6 201 véhicules, établissant un nouveau record dans l’histoire de cette marque vieille de 118 ans. Le Cullinan et la Ghost en ont, logiquement, réalisé la part du lion. Ces deux modèles ont permis d’élargir le cercle des acheteurs et, surtout, de rajeunir la clientèle. Dans le cas de la Ghost, 30% des clients optent maintenant pour la variante Black Badge, plus typée. Elle se démarque par ses jantes en composite de 21 pouces réalisées avec 22 couches de fibre de carbone déposées selon trois axes.
Repliées sur elles-mêmes sur la bordure extérieure, elles forment ainsi une épaisseur totale de 44 couches de fibre de carbone. Comme d’habitude, le logo « RR » au centre de la roue reste à la verticale, et donc lisible. Puisque notre essai de la Black Badge Ghost s’est déroulé en hiver, ces jantes ont été remplacées par des roues « classiques » en alliage de 20 pouces, chaussées de pneus Pirelli Sottozero.
Le look obscurSur les Black Badge, la statuette appelée Spirit of Ecstasy se pare d’une teinte de noir en brillance alors que l’écusson « RR » surplombant la calandre et le couvercle du coffre s’affiche en argent sur fond noir. De plus, plusieurs autres éléments de la carrosserie adoptent le noir. On remarque aussi la qualité de la peinture, réalisée avec de multiples couches interposées de couleur et de vernis lesquelles sont polies à la main après chaque application. L’effet obtenu est un noir d’une profonde intensité sur lequel les effets de lumière sont frappants.
La touche Black Badge s’exprime aussi dans l’habitacle. On y observe un revêtement composé d’un métissage de fibre de carbone et de fils d’aluminium, la présence du symbole appelé « Unlimited » (lequel ressemble au chiffre huit à l’horizontale) et par la dotation de série du « Starlight Headliner », émulant un ciel étoilé via 1 600 lumières DEL au pavillon du toit.
Plus de puissance et de coupleLes modifications apportées à la déclinaison Black Badge de la Ghost ne sont pas qu’esthétiques. En effet, le V12 biturbo de 6,75 litres développe ici 28 chevaux et 37 lb-pi de couple de plus qu’une Ghost « classique ». Le mode Low de la boîte de vitesses assure un départ sur le premier rapport, plutôt que le deuxième, et la sonorité du moteur devient ici un peu plus présente. En outre, la boîte automatique est calibrée pour garantir une conduite plus dynamique et la pédale de frein réagit plus promptement à la pression du pied par rapport à la Ghost « roturière »...tout étant relatif.
Toutes ces modifications visent à donner un peu plus de présence et de caractère à la Black Badge, sans toutefois trahir la vocation originale de voiture de très grand luxe de la Ghost. La caractéristique principale d’une Rolls-Royce est le confort souverain qu’elle offre à son conducteur et à ses passagers. Cela passe par une insonorisation très perfectionnée, assurée par un double vitrage et une centaine de kilos de matériel insonorisant, et par des liaisons au sol d’une grande souplesse.
Un tapis roulantCette souplesse est rendue possible par la « Planar Suspension System », laquelle ajoute un petit amortisseur en forme de pince qui est fixé au-dessus et au-dessous du triangle supérieur de la suspension avant afin d’annuler les vibrations à hautes fréquences. La Ghost est également équipée d’une caméra stéréo qui scrute les inégalités de la chaussée et adapte, en continu, l’amortissement de sa suspension pneumatique. Sur les routes enneigées parfois dégradées sur lesquelles nous avons roulé, le confort est demeuré impérial. Finalement, notre quiétude n’a été troublée que par les bruits de roulement plus présents en raison de notre monte pneumatique d’hiver.
Une masse élevéeAffichant presque 2 500 kilos à la pesée, la Black Badge Ghost demeure agile grâce à son rouage intégral et à sa direction aux quatre roues. Il faut toutefois tenir compte de la masse en abordant les virages sur des routes enneigées ou glacées. Si l’on pèche par excès de confiance, il est possible que la voiture s’écarte de sa voie et croise la ligne médiane. Mieux vaut se dire que l’on est au volant d’un VUS de grande taille et ralentir dans les virages afin d’éviter ce genre de mauvaise surprise.
Bref, il est tout à fait envisageable de circuler en tout confort et dans le très grand luxe à bord d’une Ghost, même au plus fort de l’hiver. Il faut bien sûr être prêt à composer avec une consommation sensiblement plus élevée qu’en été et être disposé à exposer sa superbe carrosserie au calcium et autres abrasifs épandus sur les routes. Ah, les affres du quotidien…
-----
Source : GuideAutoWeb.com, par Gabriel Gélinas
-----