Systèmes de propulsion exotiques, voitures à deux ou six roues, matériaux composites originaux, habitacle reconfigurable, moteur amovible… les ingénieurs et les designers de Ford ne manquaient pas d’idées.
Encore fallait-il qu’elles soient un tant soit peu réalistes…
Ford « Soybean car » 1941 Le plastique, c’est fantastique! C’est du moins ce que pensait Henry Ford. Dans son obsession de jumeler l’agriculture et l’industrie, il a vu le soja comme une plante magique. Dans les années 30, il démarre un programme pour la production de panneaux de carrosserie en plastique à base de fibres de soja. Les premiers dessins sont réalisés par Eugene T. Gregorie mais Ford n’a semble-t-il pas été satisfait. Il confie alors le projet à Lowell E. Overly, qui sera assisté du chimiste Robert A. Boyer (ce dernier déposera en 1953 les premières demandes de brevets pour des produits d’imitation de viande à base de soja).
Un prototype est présenté le 13 août 1941. Il repose sur un châssis tubulaire et emploie un V8 de 136 pouces cubes (2,2 litres) développant 60 chevaux. Dessus sont installés 14 panneaux de carrosserie en plastique d’un quart de pouce d’épaisseur et qui seraient composés de fibres de soja, imprégnés de phénoplaste et de formaldéhyde (une technique relativement similaire aux panneaux en Duroplast des Trabant 601 est-allemandes, mais avec des fibres de coton). On n’en sait pas plus car la formulation n’a jamais été dévoilée et aurait aujourd’hui disparu. Le poids final est d’environ 2 000 livres (900 kg), soit près de 25% de moins qu’une auto équivalente de l’époque. La Seconde Guerre mondiale arrêtera le projet de Ford. Au lendemain du conflit, la compagnie est plus occupée à assurer sa survie qu’à expérimenter. Le prototype sera détruit et les travaux cesseront.
Ford Gyron 1961 Une auto à 4 roues, c’est trop banal. Trois roues, c’est déjà plus intéressant mais encore trop simple. Pourquoi pas alors deux roues? L’idée est d’optimiser la pénétration dans l’air. Elle vient d’Alex Tremulis, un designer qui aura une carrière extraordinaire. Avant la Seconde Guerre mondiale, il est responsable du style pour Auburn-Cord-Duesenberg et travaille pour plusieurs carrossiers. Suite au bombardement de Pearl Harbor, il entre dans les forces armées. Après le conflit, il signe les lignes de la Tucker 1948 avant de rentrer chez Ford, au studio du style avancé. Là, il peut développer des concepts autour de sa passion : l’aérodynamisme. Il commence à réaliser les premières esquisses d’une auto à deux roues stabilisée par un gyroscope.
Le projet prend forme en 1959. Assisté de Syd Mead (illustrateur de génie) et McKinley Thompson (futur designer du Bronco 1966), il construit une maquette à l’échelle 1. Devant les coûts faramineux, à l’époque, d’un gyroscope assez gros, la Gyron est finalement présentée au Salon de New York 1961 sans cette technologie et avec deux roues rétractables à l’arrière pour la stabilité. La brochure précise que « les stylistes de Ford ont eu la garantie qu’un gyroscope de moins de deux pieds serait suffisant à stabiliser le véhicule ». Les passagers accèdent à l’intérieur par le toit, qui se soulève. Ils peuvent ensuite s’installer dans deux sièges moulés en un seul bloc qui entourent un téléphone pour communiquer vers l’extérieur. Fini le volant, c’est un cadran rotatif à deux anneaux (un pour la vitesse, un pour la direction) qui contrôle l’auto! Le tableau de bord contient un écran avec vision infrarouge. Après le salon, la Gyron est placée dans la Rotonde de Ford, un centre d’exposition à Dearborn. Elle brûlera avec le bâtiment le 9 novembre 1962.
Ce n’est pourtant pas la fin de l’histoire. Après avoir quitté Ford en 1963 et établi sa propre compagnie de design, Tremulis continuera de travailler sur des véhicules stabilisés. En 1967, il présentera la Gyro-X, un modèle monoplace entièrement fonctionnel propulsé par un moteur de Mini. Le gyroscope, qui tourne entre 4 000 et 6 000 tr/min, est situé devant le conducteur. L’auto existe encore aujourd’hui et a été restaurée.
Ford Nucleon 1958 Ce prototype est la preuve absolue de l’inébranlable optimisme des années 50. Que diriez-vous d’une auto capable de rouler 8 000 kilomètres entre deux passages à la station-service? La solution est l’utilisation non pas d’un moteur à essence mais d’un réacteur nucléaire couplé à un moteur à vapeur. Évidemment, pas question de faire le plein. Les blocs arrière, qui contiennent le cœur radioactif et toute l’isolation, sont interchangeables à la station.
Ford suggère que le réacteur pourrait être à fusion ou à fission et pense même qu’il pourrait être personnalisé selon les besoins du conducteur. Bien sûr, la compagnie laisse aux ingénieurs du futur le soin de régler les derniers détails… comme les problèmes de radioactivité en cas d’accident... Sans grande surprise, l’idée n’ira jamais plus loin qu’un modèle à l’échelle 3/8e.
Ford Seattle-ite XXI 1962 Ce concept a été développé pour être présenté à l’Exposition universelle de Seattle en 1962, d’où son nom. Après avoir exploré une auto à deux roues, Alex Tremulis est allé complètement de l’autre côté pour l’un de ses derniers dessins pour Ford : une auto à 6 roues! Les quatre roues avant sont directrices et permettent d’améliorer la traction et le freinage. Mais le plus intéressant, c’est que tout le bloc avant est amovible. Il peut être remplacé pour changer de motorisation, qui pourrait être une pile à combustible ou bien un réacteur nucléaire… nous y revenons! Les puissances envisagées par Ford vont de 60 à 400 chevaux.
Les commandes (direction, freins, accélérateur) sont reliées à l’habitacle par des couplages flexibles. Ce dernier n’est pas en reste puisqu’il contient un écran pour l’ancêtre du GPS alors que le volant disparaît au profit de leviers de contrôle. Afin de ne pas mourir de chaleur sous cette bulle de verre, des persiennes ouvrables sont installées à l’arrière. Une brochure sera distribuée durant l’exposition mais, logiquement, ce concept ne dépassera pas le stade de la maquette 3/8e.
Ford Ranger II 1966 Dès les années 60, Ford comprend que les camionnettes deviennent progressivement des engins pour tous usages et pas seulement pour le travail. Originellement développé par Syd Mead et basé sur un châssis de F-250 avec un empattement de 120 pouces (3,05 mètres), le Ranger II présente des portes à ouverture hydraulique intégrées au pare-brise. Toutefois, ce n’est pas la fonctionnalité la plus étonnante du concept. En effet, pour passer d’un véhicule 2 places avec une boîte de 8 pieds de long à un véhicule 4 places pour la fin de semaine, la partie arrière de la cabine se recule de 45 centimètres, une section de toit supplémentaire se relève et deux sièges additionnels se déploient.
La boîte est dotée d’un plancher en noyer, de lampes de courtoisie et de rails de chargement en aluminium. L’intérieur comprend des sièges baquets et la direction assistée, le volant inclinable, la radio AM/FM et la climatisation. Le moteur est un V8 de 390 pc (6,4 litres) à trois carburateurs accouplé à une transmission automatique SelectShift Cruise-O-Matic à 3 rapports.
Le Ranger II sera montré au Salon de l’auto de Detroit en novembre 1966. L’année suivante, il sera modifié et présenté comme le Ranger III. Ford ajoutera un capot à ouverture automatique depuis l’intérieur.
Mercury Wrist-Twist 1965 Plusieurs ont essayé de réinventer la roue mais en 1965, Robert J. Rumpf, un ingénieur de Ford, a tenté de réinventer le volant. Le système a été démontré en 1965 sur des Mercury Park Lane cabriolet. Les deux petits volants sont synchronisés. Ils commandent des chaînes qui passent dans les deux bras fixes et sont montées sur l’arbre de direction. L’avantage est un accès plus facile, une meilleure visibilité et un confort de conduite sur longues distances en permettant de reposer ses bras sur les accoudoirs.
La difficulté, c’est qu’en cas de perte d’assistance hydraulique, il devient absolument impossible de tourner. Pour la contrer, les ingénieurs ont ajouté une deuxième pompe d’assistance hydraulique. Imaginez la tête des comptables! Si Ford a bien un temps envisagé de le commercialiser, le Wrist-Twist était surtout une solution en recherche d’un problème.
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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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