C’est sûr que Zora Arkus-Duntov, le brillant ingénieur reconnu comme le véritable père de la Corvette, affiche maintenant un large sourire au paradis des passionnés. Parce qu’après plus de 60 années de projets et de tentatives, ses héritiers spirituels ont enfin concrétisé son rêve de créer une Corvette à moteur central. Et ils ont bien travaillé.
Cette huitième génération de la Chevrolet Corvette, surnommée C8, a connu un succès éclatant dès son lancement, décrochant le titre de Voiture nord-américaine de l’année et quelques autres. Les ventes ont aussitôt décollé, à la verticale. L’usine de Bowling Green ne fournit d’ailleurs toujours pas à la demande.
Premiers effetsSeulement 5% des pièces de la C8 proviendraient de la génération précédente et bon nombre composent sûrement son V8 atmosphérique LT2 de 6,2 litres dont la distribution se fait toujours par culbuteurs. Le bloc d’aluminium est nouveau, par contre. Son vilebrequin plus bas et la lubrification par carter sec abaissent le centre de gravité et favorisent adhérence et agilité. Ce gros V8 produit 495 chevaux et 470 lb-pi de couple lorsque la C8 est dotée de l’échappement de performance. Sinon, c’est 5 de moins dans les deux cas. Il est jumelé à une boîte automatique Tremec à double embrayage et 8 rapports. Fini la boîte manuelle.
La Corvette s’est également débarrassée des ressorts à lame transversaux uniques, en matériau composite, qui la soutenaient depuis plus d’un demi-siècle. Les bras triangulés en aluminium de sa nouvelle suspension sont contrôlés par des amortisseurs à ressorts hélicoïdaux externes. Côté freinage, les disques des C8, étonnamment, sont plus grands à l’arrière qu’à l’avant. Leur diamètre passe de 321 à 345 mm à l’avant et de 339 à 350 mm à l’arrière, avec l’option Z51.
À égalité ou presqueTous les éléments qui précèdent sont communs aux versions coupé et décapotable de la C8, qui ont été développées simultanément. Cette dernière a toutefois été lancée quelques mois plus tard. Elle est hélas privée du grand hublot qui permet d’admirer le V8 et ses culasses rouges sur le coupé. Parce que cette surface est réservée au toit rigide qui se replie au-dessus du moteur ou se déploie, en une quinzaine de secondes, jusqu’à 50 km/h.
Les nouvelles Stingray partagent une structure formée de six modules en aluminium coulé sous pression dont la pièce maîtresse est un « tunnel » central qui tient lieu d’épine dorsale. Bien que leurs fines silhouettes suggèrent le contraire, les C8 sont plus longues que leurs devancières de 13,7 cm, plus larges de 5,6 cm et plus lourdes de 31 kg. Elles sont malgré tout assez légères pour de grandes sportives à moteur central.
Cela dit, la décapotable porte quand même 46 kg de plus que les 1 527 kg du coupé, à cause des pièces additionnelles du toit rétractable et des moteurs électriques qui l’animent. Cet embonpoint explique la (mince) différence de performance entre les deux. La décapotable bondit effectivement de 0 à 100 km/h en 3,70 s, parcourt le quart de mille en 11,85 s à 192,4 km/h et passe de 80 à 120 km/h en 2,75 s alors que le coupé exécute les mêmes exercices en 3,51, 11,60 (à 197,9 km/h) et 2,20 s secondes, respectivement.
La sonorité du gros V8 vous prend aux tripes en pleine accélération. Surtout avec les modes Sport ou Circuit qui permettent d’activer un dispositif départ canon qui laisse le régime grimper à 3 500 tr/min avant chaque décollage. On ne s’en lasse jamais.
Le coupé Stingray a également stoppé de 100 km/h sur 34,08 m, contre 35,11 m pour la décapotable. Les deux roulaient sur les pneus Michelin Pilot Sport S qui sont inclus à leur groupe de performance Z51. Cette option de 6 995 $ ajoute aussi des freins Brembo aux disques plus grands, en plus d’une suspension, d’un échappement et d’un pont arrière de performance doublé d’un différentiel autobloquant électronique. Les versions Z51 profitent d’un système de refroidissement plus costaud et affichent une lame aérodynamique à l’avant et un aileron fonctionnel à l’arrière.
Quasiment pareilles, mettons...Si la décapotable et le coupé C8 se ressemblent beaucoup de l’extérieur, leur habitacle est rigoureusement identique. On y jouit surtout d’une visibilité extraordinaire vers l’avant puisque le déplacement du V8 a permis d’avancer la cabine entière de 41,9 cm et de tailler à la nouvelle Corvette une partie avant tellement plongeante que l’on s’attend presque à voir la pointe de ses pieds dans le pare-brise.
La vue est par contre tout juste correcte sur les côtés et carrément médiocre vers l’arrière. On a droit au minimum vital dans le rétroviseur central, avec un capot-moteur très haut. La console très haute, perchée sur le gros tunnel du châssis et coiffée d’une lisière surélevée qui porte les 17 boutons et commandes de la climatisation, crée une forte séparation entre le poste de conduite et la place du passager. Les personnes de petite et moyenne taille vont se sentir à l’étroit aux commandes et s’y accrocher le coude. Les plus grands manqueront d’espace. Point.
Le volant en rectangle arrondi est drapé de suède microfibre et la cabine est tapissée de cuir à surpiqûres contrastées et de matériaux plus riches sur notre version L3T, la plus cossue des trois. L’écran central tactile et l’écran configurable sont d’une clarté sans reproche et la plus récente interface multimédia de GM, très conviviale, appuyée par un affichage tête haute impeccable.
Les premières différences entre coupé et décapotable apparaissent en mouvement. D’abord lorsque les joints du toit rigide rétractable de la seconde se mettent à produire des craquements en abondance sur des chaussées le moindrement raboteuses ou bosselées. Il faut dire que cette C8 décapotable au « jaune accéléré » flamboyant avait déjà plus de 15 000 km d’essais à répétition au compteur lorsque nous l’avons prise en main. Pauvre petite!
La décapotable est un soupçon moins stable que le coupé, en mode Confort. Le mode Sport resserre les choses juste ce qu’il faut. Grâce aux excellents amortisseurs à variation magnétique optionnels, le roulement est ferme, sans excès, et le bruit proportionnel à la rugosité de l’asphalte. Avec les modes configurables, on peut le combiner à des réglages plus relaxes pour l’accélérateur et la boîte à double embrayage, en conduite normale. Attention aux bosses et fentes plus prononcées, par contre. Parce que ça cogne sérieusement dur.
Pour les gros dénivelés, bosses, chaînes ou entrées en pente, le système hydraulique qui soulève l’avant de 4 cm en moins de 3 secondes vaut chacun des 2 495 $ qu’il coûte. La possibilité de mettre en mémoire 1000 points de soulèvement automatique est géniale.
Et sur un virage rapide et serré, le train avant de la Stingray Z51 décapotable s’accroche férocement et l’arrière décroche juste ce qu’il faut, si vous insistez du pied droit, sans vous glacer le sang. Il faudra vraiment un circuit pour en apprendre plus, avec des limites d’adhérence aussi élevées.
Pour l’instant, on se demande simplement si Chevrolet nous réserve une version décapotable de la Z06 qui fera sûrement de la Corvette une exotique résolument américaine encore plus redoutable, et désirable.
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Source : GuideAutoWeb.com, par Marc Lachapelle
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