Bien des concepts ne sont pas roulants et sont relégués aux oubliettes, voire détruits, après avoir été exposés sous les lumières des salons de l’auto. Mais le concept Aerotech n’est pas comme les autres. Les salons sont des à-côtés.
Son but premier était de réaliser des records de vitesse. Tout commence autour d’un nouveau moteur.
Quad 4Nous sommes en 1982 et, après deux crises pétrolières, General Motors décide de démarrer la conception d’une nouvelle génération de moteur à 4 cylindres axés sur la performance. C’est la division Oldsmobile qui est responsable du projet. C’est la première fois depuis le V8 Rocket de 1948 que la marque développe un moteur depuis une page blanche… ainsi que pour GM depuis plusieurs années.
Oldsmobile met les petits plats dans les grands : culasse en aluminium, double arbre à cames en tête, 4 soupapes par cylindre, injection électronique multipoint, allumage direct (sans distributeur) … Présenté en 1987 pour le millésime 1988, le Quad 4 de 2,3 litres offrira effectivement des valeurs de puissance (150 chevaux) et de couple (160 lb-pi) similaires à bien des V6 de l’époque.
GM est très fier de ce moteur, qui semble promis à un glorieux avenir. La corporation parle de variantes high output, turbo ainsi que d’un Quad 8, un V8 basé sur la même architecture. Malheureusement, seule la première version sera commercialisée. À sa sortie, le Quad 4 est jugé puissant, mais il manque de raffinement. L’ajout d’arbres d’équilibrage en 1995 corrigera la situation. Il sera remplacé par la famille Ecotec à partir de 2002.
Sculpté par le ventFin 1984, Ted Louckes, le directeur du projet Quad 4, commence à penser à un véhicule concept afin de démontrer les capacités du nouveau moteur en battant des records de vitesse. Début 1985, il convainc la direction de GM d’allouer des fonds à ce programme.
C’est Ed Welburn qui est choisi pour dessiner le prototype. Welburn est alors directeur adjoint du studio de design Oldsmobile. Rentré chez GM en 1972, il en devient le vice-président chargé du design en 2004 (seulement la sixième personne à occuper ce poste dans toute l’histoire de GM). Le jour, il travaille sur la Cutlass Supreme de 1988 et le soir, il réalise les esquisses de la future Aerotech.
Welburn a plusieurs idées en tête, mais la direction choisit son premier croquis. Pour lui, c’est le véhicule le plus important de sa carrière car il a dû travailler de très près avec des gens d’autres disciplines pour mener ce projet à bien. Il fabrique une maquette avec son sculpteur, Kirk Jones, qui part pour des essais en soufflerie au Technical Center de GM, à Warren dans le Michigan. Ceux-ci sont réalisés par l’aérodynamicien Max Schenkel. Si le dessin s’avère efficace, il faut quand même procéder à plusieurs changements : le nez est arrondi, la verrière est optimisée et les entrées du système de refroidissement passent du côté vers le dessus des ailes.
Welburn souhaitait couvrir les roues (Goodyear s’y opposera pour éviter d’éventuels problèmes de chauffe des pneus) ainsi qu’une queue arrière longue, similaire à celle des Porsche 917 (Louckes s’y opposera car un tel dessin ne fournit pas assez d’appui pour un circuit comme Indianapolis, lieu choisi par ce dernier pour les tentatives de record). À la place, un arrière plus court (dit short tail ou ST) avec un aileron est favorisé. Mais quand il sera finalement impossible d’aller à Indianapolis, la construction d’un deuxième véhicule long (long tail ou LT) sera décidée.
Quad 4…?L’Aerotech est bâtie autour d’un châssis de March 84C (victorieux aux 500 Miles d’Indianapolis ) avec une carrosserie en fibre de carbone pour limiter le poids (1 600 livres, soit 726 kilos). Les dessous du concept comprennent des panneaux ajustables sur toute la longueur. Chargés de fournir un maximum d’appui, ils peuvent être adaptés en fonction des circuits de test.
Quant au moteur, il s’agit bien évidemment d’un Quad 4… enfin, presque. Par rapport au 2,3 litres de série, la cylindrée est réduite à 2,0 litres (ce qui permet d’obtenir des parois plus épaisses, capables de résister au souffle des turbos), le bloc utilise de l’aluminium au lieu de l’acier (les chemises restent en acier cependant) et il est renforcé puisqu’il participe à la rigidité du châssis, comme sur les voitures de course. Les pistons, tubulures d’admission et d’échappement, les systèmes d’injection et d’allumage sont spécifiques alors que les poussoirs hydrauliques sont remplacés par des poussoirs mécaniques.
Finalement, ce qu’il reste du Quad 4, c’est l’architecture (entraxe des cylindres, forme des chambres de combustion, implantation des soupapes, distribution par chaîne). Deux versions de ce moteur seront fabriquées. La première, type RE installée dans l’Aerotech ST, est développée par la société Batten, basée au Michigan, et utilise un seul turbo pour atteindre 900 chevaux. La seconde, type BE installée dans l’Aerotech LT, est conçue par Fueling Engineering, en Californie, et fait appel à deux turbos autorisant ainsi une puissance de 1 000 chevaux.
Le moment tant attendu
Fin 1986, la construction de la première Aerotech (ST) est terminée. Avant de réaliser les tentatives de record, elle est envoyée sur la piste d’essai de GM, à Mesa en Californie. Là, le pilote A.J. Foyt la monte à 218 mph (351 km/h). Il se dit très satisfait par la stabilité de l’engin, ce qui augure bien pour la suite.
Le 26 août 1987, l’équipe de développement et des juges officiels de la Fédération internationale de l’automobile (FIA) sont sur le circuit de Fort Stockton, au Texas, pour battre le record de vitesse sur piste fermée, détenu par Mercedes-Benz avec sa C111-IV depuis 1979 à 250,9 mph (403,7 km/h).
Les premières tentatives avec la ST n’aboutissent pas et les ingénieurs doivent modifier son aérodynamique. Pendant ce temps, Foyt s'installe dans la LT et atteint 275 mph (442,5 km/h) sur le mille lancé. Cependant, pour homologuer le record, il faut conduire sur le circuit dans les deux sens à moins d’une heure d’intervalle, le chiffre final étant la moyenne des deux essais. Ce sera pour le lendemain.
Le 27 août, Foyt effectue les deux passes avec la LT sur le mille lancé et le record est battu : 267,4 mph (430,3 km/h). Il monte dans la ST et les modifications réalisées pendant la nuit payent : 257,1 mph (413.8 km/h). Mission accomplie!
L’Aerotech pourra faire le tour des salons de l’auto auréolée de ses titres et GM faire la promotion du Quad 4. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Le retourEn 1989, Oldsmobile utilise de nouveau le nom avec les concepts Aerotech II (un coupé avec une silhouette en forme de balle) et Aerotech III (une simple Cutlass Supreme avec un avant restylé). Et quand vient le temps pour la marque d’assurer la promotion de son V8 Aurora (qui aurait dû être le Quad 8, mais qui sera le L47 basé sur le Northstar de Cadillac), elle sort des entrepôts ses deux concepts et en faite construire un troisième (ST).
Des phares sont installés, la peinture est refaite et les châssis sont modifiés pour accueillir le V8, cette fois-ci assez proche de la série (avec seulement des arbres à cames et tubulures révisés ainsi qu’un réglage spécifique). Du 7 au 15 décembre 1992, toujours à Fort Stockton, les trois Aerotech ne battront pas moins de 47 records du monde d’endurance, dont celui des 10 000 kilomètres (170,8 mph ou 274,8 km/h de moyenne) et des 25 000 kilomètres (158,4 mph ou 254,9 km/h de moyenne).
Finalement, Ed Welburn aura la chance de conduire une Aerotech en septembre 2010… mais pas à plus de 100 km/h!
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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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