Moteurs à turbine, aérodynamique poussée, dessins extravagants, Chrysler n’a pas manqué d’imagination au cours des décennies.
Certaines des solutions montrées ici trouveront des applications en série… mais la majorité restera des délires de designers.
Plymouth XNRAprès être passé chez Pontiac et Studebaker, Virgil Exner entre chez Chrysler en 1949. Afin de revitaliser la perception du public de la compagnie, il commence à concevoir de nombreux concepts au cours des années 50. Ceux-ci seront construits chez le carrossier Ghia, en Italie. En 1957, il signe le nouveau style pour les 5 marques de Chrysler, au grand dam des designers de GM. À partir de là, Exner, qui vient d’être nommé vice-président responsable du design, va développer des lignes toujours plus poussées et peu conventionnelles (voir la Valiant de 1960).
À la fin des années 50, son nouveau dada est les lignes asymétriques (plusieurs études pour des modèles de série seront réalisées dans ce sens mais rien n’ira plus loin). Cette thématique atteindra son apogée avec le concept XNR (les consonnes du nom Exner), qui devait être initialement (et justement) nommé Asymetrica. Ce roadster deux places fait appel à une plate-forme de Valiant et à son moteur, un 6 cylindres en ligne de 170 pc (2,8 litres). Mais ce dernier est largement modifié avec l’installation de l’Hyper Pak qui, avec un carburateur 4 corps, une nouvelle admission, un arbre à cames plus agressif, une plus haute compression et un échappement moins restrictif, fait passer la puissance de 101 à 250 chevaux.
Mais ce qui retient l’attention, c’est bien évidemment le style avec les ailes saillantes et le large X à l’arrière. Le concept fait sa première apparition au Salon de l’auto de New York, en 1960. Après la tournée traditionnelle, Exner veut le racheter mais Chrysler s’y oppose. Il retourne chez Ghia. À partir de là, il passera entre les mains de nombreux collectionneurs (y compris le Shah d’Iran) avant d’être retrouvé au Liban. Il sera restauré entre 2008 et 2011 pour être ensuite vendu aux enchères en 2012 pour la somme de 935 000 $.
Plymouth Voyager IIIAu millésime 1984, Chrysler sort son duo de minifourgonnettes Plymouth Voyager et Dodge Caravan. Le succès est instantané et, dès lors, la compagnie cherche à surfer sur la vague autant que possible et à rester devant la concurrence. Quitte à inventer des engins improbables… Le Voyager III est un véhicule deux en un exposé au Salon de l’auto de Chicago en 1990. Ses lignes sont signées par Tom Gale, également dessinateur des Dodge Viper et Plymouth Prowler. À l’avant, on trouve une auto de ville compacte propulsée par un moteur 3 cylindres de 1,6 litre pouvant fonctionner au propane et qui accueille 3 passagers de front. Le module arrière comprend 2 banquettes et peut embarquer jusqu’à 5 personnes. Sous la seconde banquette est installé un 4 cylindres turbo de 2,2 litres.
Les deux véhicules peuvent être assemblés. Pour cela, le conducteur doit reculer avec une précision millimétrique. Heureusement, il bénéficie d’une caméra de recul. Ensuite, les roues arrière de la compacte se rétractent et l’ensemble peut être utilisé comme un véhicule unique. Les deux moteurs sont synchronisés électroniquement et fournissent une puissance totale de 250 chevaux. La minifourgonnette complète ne mesure que 5,05 mètres. Idée intéressante en théorie mais absolument irréaliste en pratique. Le module arrière n’a pas de protection lorsqu’il est laissé tout seul. Il doit donc être obligatoirement entreposé dans un garage. Et lorsque l’ensemble est connecté, le hayon du véhicule compact ne s’enlève pas, séparant totalement les passagers avant des passagers arrière. Quoique cela devrait arranger certains parents…
Chrysler Dart Dans les années 50, la recherche sur l’aérodynamisme bat son plein en Italie. En 1953, Alfa Romeo présente la BAT 5 (pour Berlina Aerodinamica Tecnica), dessinée par Franco Scaglione pour Bertone. Suivront les BAT 7 et 9 en 1954 et 1955 respectivement. En 1955, le carrossier Ghia expose la Gilda (du nom du personnage joué par Rita Hayworth dans le film éponyme). Très effilée, avec des roues entièrement carénées et propulsée par une turbine, elle représente la synthèse des travaux en soufflerie du docteur Giovanni Savonuzzi.
Virgil Exner est impressionné par le style du véhicule et fait réaliser en 1956 un concept aux lignes similaires. La base est un châssis modifié d’Imperial avec un V8 Hemi de 392 pc (6,4 litres) développant 375 chevaux. L’auto est longue (5,66 mètres) et basse (1,37 mètre) et présente un Cx extrêmement réduit, même pour aujourd’hui, de 0,17. Exner est obsédé par l’effet stabilisateur des ailerons arrière… qui reste à démontrer sur les autos de production de l’époque. Il semblerait par contre qu’elles aient dans ce cas une véritable fonction. Autre révolution pour l’époque, il s’agit d’un coupé-cabriolet : le toit en deux parties se rétracte électriquement. La Dart devait être envoyée sur le même bateau que le concept Norseman mais des travaux de dernière minute retardèrent l’expédition. Le Norseman sera placé dans la cale de l’Andrea Doria, lequel coulera le 25 juillet 1956, non loin des côtes du Massachusetts.
La Dart connaîtra un meilleur destin et sera intensivement testée par les équipes du circuit d’essai de Chelsea. Après deux ans, elle sera renvoyée en Italie pour être revue. Les ailes seront rabaissées et le toit rétractable sera remplacé par une capote conventionnelle. Exner souhaitait éventuellement mettre le modèle en production et voulait donc utiliser plus de pièces de grande série. Renommée Diablo, elle sera montrée au Salon de l’auto de Chicago de 1958. Ensuite, elle sera de nouveau expédiée chez Ghia, qui la gardera un temps comme démonstrateur avant de la vendre. Elle passera entre les mains de nombreux collectionneurs.
Dodge Deora Dans les années 60, les utilitaires légers à cabine avancée sont légion : Ford Econoline, Chevrolet Corvair Greenbrier et Dodge A-100. C’est sur ce dernier que Larry et Mike Alexander décident de baser leur projet de custom. C’est Harry Bentley Bradley qui a réalisé les croquis en 1964 alors qu’il était encore designer pour GM. La direction de Dodge est tellement enthousiaste qu’elle fournit gratuitement un A-100 aux frères.
Le plan initial est d’avoir un hayon qui s’ouvre sur tout l’avant mais la structure ne l’autorise pas. À la place, seule la vitre se lève (grâce à une assistance électrique) et la porte tourne autour d’un pivot central pour permettre aux passagers de rentrer. La colonne de direction se déplace sur le côté pour laisser passer le conducteur, un peu à la manière d’une BMW Isetta. Le moteur, un 6 cylindres de 170 pouces cubes (2,8 litres), est reculé de près de 40 centimètres et des ouïes sont ajoutées sur le côté pour son refroidissement. Il est accouplé à une boîte manuelle à 3 rapports avec une nouvelle timonerie. Pour l’extérieur, beaucoup de pièces Ford sont utilisées alors que le volant provient d’une Oldsmobile. Mais cela ne semble pas gêner Dodge. Les dimensions sont sensiblement altérées : 4,90 mètres de long contre 4,34 pour l’original et 1,45 mètre de haut contre 1,98.
Le Deora est montré au Detroit Autorama de 1967, où il remporte le prestigieux prix Ridler. Ensuite, il devient l’un des 16 premiers modèles de la nouvelle ligne de modèles réduits Hot Wheels, présentés en 1968 et dessinés par… Harry Bentley Bradley, entré chez Mattel en 1966 (ne croyant pas au succès de ce produit, il quittera la compagnie en 1969). AMT commercialisera également une maquette en plastique au 1/25e. Dodge louera l’engin aux frères Alexander durant deux ans à des fins d’exposition. Ils vendront par la suite leur création à un collectionneur enthousiaste, Al Davis. Le véhicule est resté dans la famille jusqu’en 2009 avant d’être vendu aux enchères pour la somme de 324 500 USD.
Chrysler TurbofliteDès 1953, Chrysler expérimente la propulsion par turbine à la place du moteur traditionnel. Pour 1961, la société présente le concept Turboflite. Ce coupé aux lignes étonnantes est signé Jack Kenitz, sous la direction de Virgil Exner. Le toit classique est remplacé par une verrière intégrale se relevant dès que les poignées de porte sont actionnées. À l’arrière, l’aileron ne sert pas à augmenter l’appui mais est en fait un aérofrein (les turbines n’offrant pratiquement aucun frein moteur). À l’intérieur, on retrouve un compte-tours gradué jusqu’à 50 000 tr/min ainsi qu’un pyromètre mesurant la température des gaz d’échappement.
La turbine CR2A de troisième génération développe 140 chevaux à 39 000 tr/min. Plus légère que les CR1 et CR2, elle intègre une buse d’injection à angle variable, réduisant le temps de réponse de 7 secondes pour les CR1 et CR2 à « seulement » 1,5 seconde. La consommation et le frein moteur s’en trouvent également améliorés. Elle sera installée dans une Dodge Dart 1962, qui roulera de New York à Los Angeles. La Turboflite connaîtra un joli succès dans les différents salons où elle sera exposée. Mais Chrysler prépare déjà un gros coup pour 1963 : la Turbine, qui sera produite à 55 exemplaires et qui embarquera un moteur de quatrième génération, le A831.
Chrysler Falcon Chrysler Falcon? Vous voulez dire Ford Falcon! Non, non. Dès son arrivée chez Chrysler, Virgil Exner porte son attention sur les coupés et les cabriolets. Il souhaite vivement que la compagnie produise une concurrente à la Corvette, présentée en janvier 1953, et à la Thunderbird, lancée en octobre 1954. C’est Maury Baldwin qui signe l’ensemble des lignes du concept. Ce dernier se distingue par ses pots d’échappement sur le côté (un avant-goût de la Dodge Viper) et ses ailes sculptées à l’arrière.
Exposé en 1955, la Falcon repose sur un châssis de 105 pouces de long (2,67 mètres) et fait appel à un V8 de 276 pouces cubes (4,5 litres) de 170 chevaux provenant de chez DeSoto et couplé à une transmission automatique PowerFlite à 2 rapports. Elle utilise un maximum de pièces de série dans l’espoir de convaincre les dirigeants de la compagnie de l’industrialiser. Selon les sources, deux ou trois véhicules auraient été construits par Ghia. Malheureusement, Exner se heurte au département d’ingénierie, nullement intéressé par l’auto, estimant que les Chrysler 300 et Dodge D-500 sont amplement suffisantes.
Exner parviendra à prendre possession de l’une des Falcon. Lorsque Henry Ford II contactera personnellement Chrysler pour demander les droits du nom pour sa nouvelle compacte, Exner lui accordera la faveur. Le roadster Chrysler passera tranquillement dans l’oubli. On ne peut s’empêcher d’imaginer ce qui se serait passé pour les Corvette et Thunderbird si Exner avait obtenu gain de cause…
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Source : GuideautoWeb.com, par Hughes Gonnot
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