C’est l’un des concepts les plus importants de l’histoire de l’automobile et l’un des plus saisissants. Il a directement inspiré les tendances stylistiques de deux décennies. Pourtant, tout est parti d’un échec commercial…
Pour comprendre les origines de la Carabo, il faut remonter à 1964. Alfa Romeo commence alors le développement d’un nouveau modèle pour participer au Championnat du monde des voitures de sport sous le nom de code interne « 105.33 » (d’où le nom de Tipo 33 ou simplement 33).
Les 33 courront de 1967 à 1977, remportant de nombreuses victoires (incluant le titre mondial en 1975), et connaîtront d’importantes. Mais le modèle qui nous occupe aujourd’hui est la version originale avec son V8 de 2,0 litres, dessiné sous la direction de Carlo Chiti. Ce bloc bénéficie d’un vilebrequin plat (flatplane), d’une lubrification par carter sec, d’une injection mécanique SPICA, d’un double allumage et de 4 arbres à cames en tête, le tout générant 270 chevaux.
Pour la routeEn octobre 1967, Alfa Romeo présente une version de route de la 33, logiquement baptisée « Stradale ». Par rapport aux 33 de compétition, l’empattement est allongé de 100 millimètres et le V8 est légèrement dégonflé à 230 chevaux, pour le rendre plus utilisable. Il reste cependant une bête en allant chercher sa puissance maximale à 8 800 tr/min. La boîte est une 6 vitesses manuelle réalisée par Valerio Colotti.
Les Stradale sont donc de vraies machines de course en tenue civile, capables de passer de 0 à 100 km/h en 5,5 secondes et d’atteindre une vitesse de pointe de 260 km/h. Les lignes rondes et sensuelles sont signées Franco Scaglione. Les châssis sont fabriqués chez Autodelta, la branche sportive d’Alfa Romeo, avant d’être envoyés chez Carrozzeria Marazzi, à Milan, pour y être habillés. L’auto est un chef-d’œuvre, il y a néanmoins un petit problème : elle coûte 25% de plus qu’une Lamborghini Miura! Ce qui ne passe pas forcément très bien auprès de l’actionnaire principal depuis 1933 : l’État italien. La 33 Stradale aura une carrière commerciale… difficile : 18 châssis seront produits mais seules 13 autos seront complétées. Que faire des cinq châssis restants?
En promotionAlfa Romeo les envoie tout simplement chez trois carrossiers, pour créer des concepts qui feront parler de la marque à travers les salons européens. Ital Design reçoit un châssis et Giorgetto Guigiaro crée l’Iguana, dévoilée au Salon de Turin 1969.
Pininfarina obtient deux châssis. Le premier devient la P33 Roadster, dessinée par Paolo Martin et montrée au Salon de Turin 1968, avant d’être recarrossé pour le Salon de Bruxelles 1971 et devenir la P33 Cuneo. Le second sera la 33/2 Coupé Speciale, présentée au Salon de Paris 1969 d’après un dessin de Leonardo Fioravanti. Enfin, Bertone reçoit aussi deux châssis. Le premier deviendra la Carabo, révélée au Salon de Paris 1968, alors que le second ne sera utilisé qu’en 1976, pour le Salon de Genève, sous le nom de Navajo. C’est Marcello Gandini qui signera les deux concepts Bertone.
SuperstarMajoritairement autodidacte, Marcello Gandini commence sa carrière de styliste à 21 ans. Il rentre chez Bertone en décembre 1965, après le départ de Guigiaro pour Ghia. Il n’a alors que 27 ans. Le premier projet qu’il réalise pour le carrossier est la Lamborghini Miura, une auto qui va révolutionner le monde de la performance et qui reste encore aujourd’hui l’une des plus belles de l’histoire. La Miura fera de Gandini une vedette instantanée. Statut qu’il confirmera quelques mois plus tard en signant les lignes de l’Alfa Romeo Montreal de l’Expo 67. Suivront les Lancia Stratos Zero et Stratos HF, l’Autobianchi Runabout (future Fiat X1/9), la DeTomaso Pantera, la Ferrari Dino 308 GT4, plusieurs Lamborghini (Espada, Jarama, Urraco, Diablo et, bien sûr, la Countach) et tellement d’autres encore, la liste est trop longue… Il quittera Bertone en 1980 pour fonder son propre bureau de style.
La caleGandini imagine cet avant pointu pour augmenter l’appui aérodynamique en réaction à la Lamborghini Miura, qui a tendance à délester à haute vitesse. Il réalise ensuite le reste de l’auto dans un style similaire. Il ajoute des portières à ouverture en élytre, qui seront réutilisées sur la Countach (concept en 1971 et version de série en 1974) pour devenir les fameuses « Lambo doors ». Ce sont elles qui inspireront le nom Carabo, dérivé de « carabe », une famille de coléoptères, dont l’ouverture des ailes rappelle celle des portières en question. C’est aussi pour cette raison que la Carabo est verte, avec un bandeau orange à l’avant et que les vitres ont un reflet doré/orangé, couleurs des carabes. Le logo de la voiture, placé à l’arrière, est un profil de l’auto elle-même avec les portières ouvertes.
La Carabo est extrêmement basse et ne mesure que 990 millimètres de haut. L’intérieur est (presque) aussi spectaculaire que l’extérieur. Le compte-tours (gradué jusqu’à 10 000 tr/min) est situé près de la portière gauche alors que le compteur de vitesse (gradué jusqu’à 300 km/h) est monté proche de celle de droite. Le reste de l’instrumentation est logé en plein milieu. Le tout est complété par une petite console centrale. La voiture est entièrement fonctionnelle, les phares sont dissimulés sous des panneaux mobiles. Il ne lui manque que des rétroviseurs… mais vous savez ce que l’on dit en Italie : ce qui roule derrière toi n’a aucune importance!
L’auto est construite en à peine 10 semaines avant sa présentation en octobre 1968, au Salon de Paris. Elle y fait évidemment sensation. Elle est aujourd’hui considérée comme l’élément fondateur du wedge design, qui favorise les formes en coin (en anglais, wedge veut dire « cale »), lesquelles seront privilégiées dans les années 70 et 80. De nombreux véhicules concepts suivront cette tendance. Parmi les autos de route influencées par la Carabo, on citera la Lotus Esprit, la Volkswagen Scirocco, l’Aston Martin Lagonda, la Triumph TR-7, la Vector W8 et, bien bien sûr, des créations de Gandini lui-même comme les Ferrari 308 GT4, Maserati Khamsin ou Lamborghini Countach. Jolie descendance!
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Source : GuideAutoWeb.com, par Hughes Gonnot
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